Des bombes sur les enfants

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Des enfants, des jeunes, réclament la justice pour les migrants. Photo prise lors de la commémoration des 75 ans de la DUDH à Bruxelles. Photo © Véronique Vercheval.

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Les bombes continuent à tomber sur les enfants de Gaza, symboles de la violence exercée par nos sociétés à l’encontre des plus faibles, des plus démunis, des plus pauvres. Alors que les puissants « responsables » politiques et économiques des pays riches se réunissent à Davos pour se partager les ressources de notre planète, les populations les plus pauvres sont réduites au silence par la misère, par les armes, par les médias achetés par ces mêmes riches qui nous gouvernent.

Le Maroc au Conseil des droits de l’Homme

Pendant que les chiffres de l’économie mondiale sont égrenés lors du Forum Economique Mondial à Davos, le monde compte les 25.000 morts à Gaza, dont la majorité sont des femmes et des enfants, des hommes aussi, des non combattants, des civils réfugiés depuis des décennies dans cette enclave totalement contrôlée par l’État occupant la Palestine qu’est Israël.

Des femmes, des enfants sont aussi victimes de bombes au Liban, en Syrie, au Yémen. Des milliers de villageois parmi les plus pauvres sont chassés par la force des armes, en RDCongo, à cause de la cupidité de militaires et de grosses entreprises internationales.

Autre paradoxe de notre fragile architecture internationale que sont les Nations Unies, des enfants sahraouis sont victimes des combats et de l’occupation militaire marocaine au Sahara Occidental. Ce qui n’empêche pas le Maroc de se retrouver à la présidence du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

« Si l’élection du Maroc à la présidence du Conseil des droits de l’Homme se concrétise, elle sera une preuve supplémentaire du profond dysfonctionnement structurel des institutions internationales, et une insulte à l’Afrique. Le Maroc est le pays le moins apte à refléter les valeurs africaines dans le cycle actuel de la présidence du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies », a souligné Oubi Bouchraya, représentant du Front Polisario en Suisse et auprès des Nations Unies et organisations internationales à Genève. (1)

Malgré ces violations du droit international et les emprisonnements de journalistes critiques, d’activistes défendant les révoltes des plus pauvres au Maroc, malgré les terribles répressions contre des migrants africains, ce pays est mis à l’honneur lors du prochain Salon des Vacances à Bruxelles. Les touristes n’ont cure des droits humains et l’Europe ne veut pas voir arriver ces victimes du mal développement vers ses frontières.

« En plus d’être fortement condamné et dénoncé par toutes les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, le Maroc est le seul pays africain qui refuse toujours de ratifier la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. C’est aussi le pays africain qui continue à violer systématiquement la Charte fondatrice de l’Union africaine, notamment l’article 4 qui stipule l’obligation de respecter les frontières héritées au moment de l’indépendance », souligne Oubi Bouchraya. »

L’extraordinaire mansuétude des pays dits démocratiques de l’Union européenne et des Etats-Unis vis-à-vis d’Israël ne peut que conforter le sentiment d’impunité du Royaume du Maroc, malgré ses violations des droits humains.

Ces bombes qui tombent sur des populations démunies illustrent l’absurdité meurtrière de nos politiques économiques et militaires qui privilégient le secteur des armements plutôt que la lutte contre le désastre climatique et la pauvreté qui s’étend partout dans le monde.

La politique européenne de réarmement militaire, avec comme poids lourd l’Allemagne, est vue comme injuste par nombre de membres de la société civile très inquiets devant les politiques d’austérité imposées aux populations. (2)

La déprivation des enfants en Belgique

Même la prospère petite Belgique n’est pas épargnée par des choix qui favorisent encore trop la confrontation internationale au détriment du développement économique et social.

Selon une nouvelle étude présentée par la Fondation Roi Baudouin, 12,8 % des enfants belges sont victimes de « déprivation matérielle : ils manquent au quotidien d’au moins trois des 17 éléments considérés par l’UE comme essentiels à un développement sain et équilibré. Exemple : l’enfant mange-t-il des fruits et légumes chaque jour ? Invite-t-il parfois des amis à la maison ? Vit-il dans un logement correctement chauffé ? « Avec une telle proportion, la Belgique fait figure de mauvais élève dans le classement de l’UE. Toutefois, la réalité est à nuancer car il existe de fortes disparités en fonction des régions du pays. Fait inquiétant : les enfants qui vivent principalement ou exclusivement avec leur maman (solo) courent un risque quatre fois plus élevé d’être déprivés. » Les facteurs de risque sont les suivants : les parents sont sans emploi ; ont des faibles revenus ; sont peu qualifiés ; sont locataires ; sont originaires d’un pays hors de l’UE ; sont isolés – et spécialement, les mères isolées. (3)

L’étude de la Fondation Roi Baudouin attire l’attention sur les politiques à mettre en œuvre pour éviter les conséquences graves de la pauvreté :

- un enfant déprivé court trois fois plus de risque d’être en mauvaise santé. Ce qui peut avoir des répercussions à court et à long terme. Les enfants déprivés ont aussi proportionnellement davantage de besoins médicaux non satisfaits.

- En matière d’accueil de la petite enfance, les enfants déprivés sont doublement pénalisés. Non seulement ils fréquentent moins les services d’accueil de la petite enfance de type crèche, mais ils ont aussi moins tendance à bénéficier d’une garde informelle par des membres de la famille.

- 75% d’enfants déprivés ne vivent pas dans un logement social. Or, ce type de logement permet d’améliorer considérablement leurs conditions de vie.

En cette période pré-électorale, appel est lancé à tous nos dirigeants pour la mise en place et le renforcement de politiques ciblées visant à enrayer le cercle vicieux de la pauvreté. Pour financer cela, exemples au hasard : on pourrait ne pas acheter les F35 US, potentiels porteurs d’ogives nucléaires et arrêter la guerre en Ukraine...

Les enfants aussi ont des droits

Autre lecture conseillée avant les élections : le Délégué général aux droits de l’enfant, Solaÿman Laqdim a remis son rapport d’activité 2022 – 2023 et le mémorandum résumant ses attentes vis-à-vis du monde politique. La question environnementale est pointée par lui mais aussi les impacts de la situation internationale qui provoque des arrivées de mineurs d’âge non accompagnés ( MENA) . « Les MENA sont régulièrement placés en IPPJ (Institution publique de protection de la jeunesse), alors que ce type de placement institutionnel n’est, de l’avis de tous, ni adapté, ni raisonnable. », car « La privation de liberté est une privation d’enfance. », précise le rapport. Une commission de surveillance des lieux privatifs de liberté des mineur.e.s a bien été instaurée récemment mais cela ne suffit pas, observe le Délégué général qui, dans le mémorandum, appelle les pouvoirs publics à étendre la mission de cette commission à tous les lieux où des enfants sont privés de liberté, à savoir les enfants et les jeunes retirés du milieu familial et placés dans les autres institutions du secteur de l’aide et de la protection de la jeunesse ou dans les centres FEDASIL (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile). (4)

Notons particulièrement combien la situation internationale a des répercussions immédiates sur nos politiques de l’enfance et de la jeunesse. Ainsi, 56% des jeunes accueillis en Belgique au 1er mars 2023 sont de nationalité afghane ; 11,8% de nationalité syrienne et quelques Palestiniens s’ajoutent à cette liste établie par la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

Le délégué général s’inquiète aussi de la violence qui s’installe dans des milieux scolaires et notamment de la montée de l’antisémitisme. L’actualité internationale et le sentiment d‘injustice sont ressentis douloureusement par certains enfants et jeunes qui ne comprennent pas notre manque de moyens ou d’envie pour arrêter ces massacres.

Tant que des bombes tomberont sur des enfants, où que ce soit dans le monde, il nous faut lutter contre les guerres, contre les injustices et accueillir ces victimes de la folie humaine. Pas d’austérité, donc, pour les politiques sociales.

1. https://al24news.com/fr/le-maroc-qui-refuse-de-ratifier-la-charte-africaine-des-droits-de-lhomme-ne-peut-pas-presider-le-conseil-des-droits-de-lhomme/

2.https://www.grip.org/category/publications/armements/

https://www.justicepaix.be/etude-le-defi-de-la-paix-pour-lunion-europeenne/

3. https://kbs-frb.be/fr/pauvrete-des-enfants-de-nouveaux-angles-danalyse

4. https://statistiques.cfwb.be/aide-a-la-jeunesse/plan-mena/places-occupees-en-plan-mena/

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Rapport et mémorandum du délégué général aux droits de l’enfant :

http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=dgde_detail&tx_ttnews%5BbackPid%5D=3240&tx_ttnews%5Btt_news%5D=1251&cHash=473ea142ae92d870c5cb3612fd0d245c

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