ELISEE RECLUS

Des Chemins d’écriture

Par | Penseur libre |
le
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Elisée Reclus

La source et autres histoires d’un ruisseau

Folio/Sagesse (Gallimard)

Est-ce la perspective du (3ème) déconfinement ? le printemps qui arrive à maturité ? j’ai eu envie d’aller vers les sources de la nature…par chance, ma libraire avait cela en magasin !

Sans doute connaissez-vous Elisée Reclus*, géographe renommé, communard, anarchiste**, écrivain, sa « Nouvelle géographie universelle », publiée en plusieurs volumes entre 1875 et 1893, lui avait valu une célébrité mondiale. Grand pédagogue, il a fait partie des premiers enseignants de la Nouvelle Université libre de Belgique – dite également Université nouvelle de Bruxelles*** - et y a fondé un Institut géographique.

J’ai découvert ce personnage savant et iconoclaste il y a quelques années alors que j’écrivais un texte sur un petit torrent de montagne qui m’avait fascinée, le Verdon. Il prend sa source à côté du col d’Allos et Elisée Reclus avait trouvé remarquables les entailles qu’il avait creusées pour se forcer un passage entre les roches, formant ainsi les fameuses Gorges du Verdon qui se situent à la frontière des Alpes de Haute-Provence et du Var.

Les éditions Gallimard ont eu la bonne idée d’éditer dans leur petite collection de poche facile à emporter partout, des extraits parmi les plus représentatifs de son célèbre texte « Histoire d’un ruisseau » publié en 1869.

Et c’est un grand plaisir de re-découvrir l’émotion que procure la source « après avoir été nuage, brouillard, pluie traînante, elle va reparaître fontaine à quelques centaines de mètres plus bas, dans une crevasse de rochers […] » ; de se souvenir que selon la légende romaine Egérie, la nymphe des sources, apprenait la sagesse au roi romain Numa Pompilius auprès de l’eau.

En nos temps troublés, où bien des certitudes sont enfin remises en question, notamment à propos de notre environnement, il est bon de se rappeler que « si les opprimés n’avaient pu retremper leur énergie et se refaire une âme par la contemplation de la terre et de ses grands paysages, depuis longtemps déjà l’initiative et l’audace eussent été complètement étouffées. » selon cette belle pensée de M. Reclus.

Il écrivait ceci à une époque où les hommes commençaient à délaisser la terre pour les villes tandis qu’aujourd’hui un timide basculement en sens inverse commence à s’accomplir, et même si nous adorons encore la ville, nous avons (presque) tous, à l’instar du roi de Rome, envie de nous assoir auprès de l’eau, qu’elle soit fontaine, source, ruisseau, rivière, torrent, lac…nous n’y entendrons pas Egérie, mais nous y rêverons en écoutant les sons de cristal, en observant les fragments entraînés dans le courant qui produisent des éclats soudains, nous nous interrogeons sur la limpidité ou la turbidité de ces eaux… M. Reclus nous dit aussi que nous n’avons pas besoin de faire de longs voyages pour « comprendre qu’on a sous les yeux une des forces en mouvement de la terre », il nous invite à les ressentir près de chez nous, il cite les « roches triturées » des Alpes, du Jura, des Cévennes ; il nous parle des baignades qui redonnent sa vigueur et sa force originelles à notre corps, apaisant dans le même temps notre esprit…il nous parle du cycle des eaux, les comparant à celui de l’humanité divisée « en courants distincts » mais qui un jour, espère-t-il, se réunifiera pour former une seule nation : « nous descendrons ensemble vers la grande mer où toutes les vies vont se perdre et se renouveler ».

C’est tout un voyage autour de l’eau, son substrat géologique, ses légendes, ses lois physiques, sa géographie, les paysages qu’elle forme et transforme, auquel nous convie Elisée Reclus, écologiste avant l’heure, humaniste, épris de liberté…et l’eau justement est une bien belle allégorie de la liberté.

*Elisée Reclus (1830-1905) écrivain a publié, principalement chez Hachette des guides touristiques, des récits de voyage, il a participé à des dictionnaires ; scientifique, il est particulièrement connu et apprécié pour son Encyclopédie en 19 volumes de La Nouvelle Géographie Universelle, et son encyclopédie géo historique « L’Homme et la terre » publié après sa mort.

**Sa pensée politique, anarchiste continue d’être célébrée annuellement à Sainte-Foy les Grandes en Gironde, où il est né, par des rencontres appelées « Les Reclusiennes » qui célèbrent cette année (du 8 au 11 juillet) l’anniversaire des 150 ans de la Commune de Paris. https://www.reclusiennes.com/

***Après lui avoir offert une chaire de géographie comparée, l’Université libre de Bruxelles, s’est ravisée suite aux positions anarchistes de M. Reclus, provoquant la démission du Recteur ainsi que celle de plusieurs enseignants. Elisée Reclus et les démissionnaires ont alors l’idée de fonder cette «Université Nouvelle » en 1894, elle restera ouverte jusqu’en 1919, puis fusionnera avec l’Université libre de Bruxelles, mettant fin au conflit entre anciens et modernes.

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