La Ville, une infinité de possibles.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Nos villes et en particulier nos métropoles offrent aux street artistes une infinité de propositions, comme autant de possibles.

Pour les street artistes, les surfaces des murs des villes sont, tout d’abord, des supports d’expression.

Ils y peignent avec des outils divers, des bombes aérosols mais également des brosses, des pinceaux et des rouleaux, des images d’une incroyable variété. Nonobstant la nature du support et celle des outils, leurs créations dans l’espace public ressemblent à bien des points de vue aux toiles accrochées aux cimaises des galeries et des expositions d’art. Les différences sont essentiellement dans la dimension des œuvres qui, dans le muralisme contemporain, atteignent des centaines de mètres carrés et dans le caractère éphémère des œuvres.

Ce dernier trait qui semble distinguer de manière claire le street art et l’art contemporain, nécessite d’être nuancé.

Des « murs », depuis déjà de nombreuses années, ont été rénovés et les demandes de « patrimonialisation » des créations émergent dans de nombreux pays. C’est vrai par exemple des œuvres de Banksy, mais également de nombreux « murs » dont on n’imagine mal la disparition. Peut-on concevoir la « perte » des 160 œuvres de street art du 13e arrondissement de Paris ? Cela est d’autant moins envisageable que nombre de communes (et c’est le cas du 13e arrondissement) ont patiemment développé un « patrimoine » street art pour accroître leur attractivité touristique. Ainsi les œuvres constituent à la fois un fonds artistique et un capital financier ayant des conséquences sonnantes et trébuchantes.

Tout bien considéré, la différence essentielle entre une fresque de street art et un tableau est le caractère « nomade » de ce dernier.

Des artistes et non des moindres vont plus loin que peindre sur les murs des villes comme ils le feraient sur une toile. Ils prennent en compte l’architecture des villes, l’originalité de ses lieux, de ses volumes et de ses lignes. S’amorce alors entre l’artiste et la Ville un dialogue. A la proposition d’un lieu, répond la création d’une œuvre particulière ou l’inverse : l’artiste recherche dans la Ville l’endroit le plus pertinent à la traduction de son intention. Somme toute, l’équation est simple, un lieu, une œuvre dédiée.

Les pochoirs de Banksy fournissent à ce titre un exemple révélateur. On pourrait même dire que l’environnement de ses œuvres est indissociable de l’œuvre même. Reste que de nombreuses créations de Banksy qui appartiennent aux propriétaires des murs sur lesquels les pochoirs ont été peints ont été « découpés » pour être vendues, réduisant considérablement l’intérêt de l’œuvre. Je considère que l’œuvre est indissociable du lieu de son exécution par l’artiste.

Ces « prélèvements » qui, à mon sens détruisent les œuvres et leurs messages, s’intègrent dans un vaste mouvement de financiarisation du marché du street art.

Pour se convaincre de l’importance chez Banksy entre création et environnement, je vous invite à regarder les très remarquables pochoirs que l’artiste de Bristol a réalisés en Palestine et en Israël.

D’autres artistes établissent un dialogue d’une autre nature avec la Ville.

Les lieux ne sont pas choisis pour leur valeur symbolique mais pour des raisons plastiques. Une ligne horizontale d’un bâtiment, par exemple, sera utilisée pour « assoir » un personnage créant ainsi une œuvre plus complexe et plus polysémique.

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Ce dialogue entre le lieu et l’œuvre est particulièrement mis en avant par des artistes dont l’objectif avoué est de faire rire et sourire. Des street artistes sont devenus dans ce domaine de « petits maîtres ». Je pense par exemple à l’inénarrable Jace, à Jaune et à ses agents de la propreté urbaine. Les œuvres anonymes sont légion. Elles proposent aux badauds des scènes souvent drôles et poétiques exploitant avec intelligence la géométrie d’un lieu.

Je dois bien avouer que je suis particulièrement sensible au dialogue qu’établissent nombre de street artistes avec la Ville. Peut-être parce que les œuvres de cette nature sont au cœur du mouvement street art, un art de la rue, un art de la Ville. Peut-être suis-je irrité que tant de productions réalisées en atelier sur des supports « nomades » soient qualifiées d’œuvres de street art. Cette définition, cette épithète, inscrit l’œuvre dans un courant artistique « bankable », bien dans l’air du temps.

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