Libertés syndicales et autres, face caméras !

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Manifestation contre la norme salariale en septembre 2022. Photo © Syndicat Magazine de la FGTB.

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Lecture 6 min.

Ce lundi 22 mai 2023, les principaux syndicats belges réunis défileront dans les rues de Bruxelles pour rappeler un des droits les plus importants conquis par la lutte ouvrière : le droit de grève. (1) Pour beaucoup, l’affaire Delhaize peut paraître minime face aux enjeux économiques et climatiques mondiaux, sans oublier le contexte guerrier qui nous enveloppe. Il s’agit pourtant d’une attaque frontale de la direction hollandaise contre les travailleurs de l’entreprise, obligés de se « franchiser » et donc de perdre à la fois leurs acquis en tant que travailleurs salariés et la protection de leurs droits par des syndicats actifs dans des entreprises de plus de 50 personnes. Alors même que le groupe Delhaize se porte bien et produit de confortables dividendes qui font la joie des actionnaires. Et l’on revit ainsi la grande indignation qu’avait provoqué le départ de Caterpillar, simplement pour des motifs de plus grande rentabilité fiscale alors que l’entreprise en Belgique fonctionnait très bien.

Face à cette rapacité des grandes entreprises, il ne reste, pour les travailleurs, que la protection des pouvoirs publics et de leurs propres organisations syndicales.

Du côté des pouvoirs publics, on ne peut que constater la connivence entre ceux-ci et les entreprises. La FGTB décrit « le déploiement massif d'huissiers et de policiers sur les piquets dans tout le pays », « des militants sont menacés d'astreintes pouvant aller jusqu'à 1.000 euros. D'autres sont arrêtés et menottés pour avoir fait grève, ou passent la nuit en prison pour avoir participé une manifestation solidaire... Des démonstrations de force à grande échelle sont utilisées, comme autant de tentatives d’intimidation. »

La justice est, elle aussi, passée à l’action : « À la suite d'une requête unilatérale, un juge a décidé que les syndicats ne pouvaient plus empêcher l’accès aux magasins et dépôts, dans tout le pays, pendant le mois à venir. Les tribunaux estiment ainsi que les intérêts économiques d'une entreprise sont plus importants que le droit de grève, et que la liberté de commerce l'emporte sur le droit à l'action collective ! La défense des droits sociaux et syndicaux est donc rendue impossible en Belgique, contre l'avis du Comité européen des droits sociaux. »

Les syndicats dénoncent donc cette criminalisation de l’action sociale.

La FGBT constate aussi l’apparition de diverses formes de dumping social, dans différents secteurs de l'économie. « Cela va du détachement de travailleurs à la traite des êtres humains, comme dans les cas de Borealis ou de Proximus. Mais le dumping s’exprime aussi par ces employeurs qui recourent en masse à des contrats de travail de courte durée, à l'intérim ou au travail étudiant. Et - comme c'est désormais également prévu chez Delhaize – par le déplacement des employés vers d'autres commissions paritaires où les conditions de travail sont moins favorables. Le fil conducteur : plus de profits pour les actionnaires, moins de salaires et des conditions de travail moins favorables pour les travailleurs. »

Contre la reconnaissance faciale

Dans cette chronique, le 30 mars dernier, nous parlions de la campagne lancée par Amnesty International sur le droit de protester ainsi que des nombreuses manifestations qui se sont déroulées pacifiquement ces derniers temps à Bruxelles. (2) Nous sommes loin, heureusement, des répressions brutales, et même ultra violentes, des forces de l’ordre en France. Mais la vigilance reste de mise car d’autres méthodes de contrôle des populations se mettent petit à petit en place. Tout récemment, une coalition d’associations* rassemblée autour du slogan “Protect my face” a déposé une pétition au Parlement bruxellois pour demander l’interdiction de la reconnaissance faciale dans l’espace public à Bruxelles. Les associations craignent que la légalisation et l’usage de cette technologie n’entravent les droits fondamentaux, particulièrement des minorités. Or, cette technologie qui n’est pas autorisée a déjà été utilisée plusieurs fois par la police locale et fédérale. (3)

La Ligue des Droits Humains a constaté que « la police fédérale a réalisé en 2020 une septantaine de recherches avec le logiciel très controversé Clearview IA dans le cadre de réunions Europol. En 2017 déjà puis en 2019, la reconnaissance faciale était aussi testée par la police fédérale à l’aéroport de Zaventem. Pour chacune de ces deux enquêtes relatives à des projets-test, l’organe de contrôle de l’information policière (le COC) exigera la fin de ces expérimentations car aucune base légale suffisante n’existe. Par ailleurs, selon une recherche menée par la KULeuven en Flandre et en région bruxelloise, au moins 5 zones de police locale sur 86 répondantes disposaient de la reconnaissance faciale, l’une d’elle affirmant même l’utiliser « souvent à très souvent ». »

Et voici comment nos droits et libertés sont de plus en plus menacés, pour notre sécurité ou celle des pouvoirs politiques et économiques ? La Ligue cite le droit au respect de la vie privée, le droit à l’anonymat, la liberté de circulation, d’association, de réunion, de rassemblement et de manifestation, le droit à ne pas être discriminé·e, etc.

« Utiliser la reconnaissance faciale dans l’espace public reviendrait à contrôler automatiquement l’identité de chaque personne à chaque coin de rue. Cette technologie implique d’importants risques: piratages de ces données à caractère personnel très sensibles, erreurs et reproduction des discriminations sexistes ou racistes induites par les conceptions sociales dominantes et les institutions qui les vendent et qui les utilisent, menace d’un glissement vers une surveillance de masse. »,

Une pétition à signer afin que le contrôle démocratique s’exerce à nouveau sur ces avancées technologiques de plus en plus rapides et performantes.

1.- Manifestation à Bruxelles, le 22 mai: La FGTB donne rendez-vous aux militant.es à partir de 10h00 à la Gare du Nord de Bruxelles. Les délégué.es et responsables syndicaux prendront la parole au début de la manifestation. Le cortège prendra la direction de la gare centrale, puis du Mont des Arts, pour ensuite rejoindre la Place Poelaerts, devant le Palais de Justice, où une action symbolique des travailleuses et des travailleurs de Delhaize se tiendra. La fin de la manifestation est prévue gare du midi.

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2.- https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/protestation-oui-violence-non

3.- https://www.liguedh.be/une-petition-pour-interdire-la-reconnaissance-faciale-dans-lespace-public-bruxellois/?fbclid=IwAR3zDlb21SO2KjOtI_EJW6qC03WQdLESYL5yNu2ectNYNW9j0_L0gHwNkmo

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