Oscar roule en van

l’œil et l’oreille

Par | Journaliste |
le

Capture de la bande annonce de Nomadland

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Lecture 3 min.

Comme j'ai déjà eu le plaisir, l'honneur et l'avantage de vous l'écrire, moi, je continue à aller au cinéma. Je ne me moque pas des consignes sanitaires comme de mon premier Frisko; à Luxembourg, les cinémas sont ouverts (au compte-gouttes pour ce qui concerne les spectateurs, mais soyons positifs: nulle dame à chignon ou monsieur de deux mètres ne viennent se poser devant nous, c'est une rangée sur deux et la place pour son manteau sur le siège d'à côté). C'est ainsi que j'ai vu Nomadland, le film de Chloe Zhao qui a raflé les beaux oscars après avoir été goldenglobisé largement.

Les méchantes langues – que saint Méliès nous en préserve! – diront que si c'est ça le meilleur film de 2020, à quoi doivent ressembler les autres, alors! Bon, c'est sûr que ce n'est pas Citizen Kane mais c'est tout de même un bon film.

Le pitch? Euh... Pas grand-chose, en fait. C'est presque du reportage. Ou ça y ressemble. Car si, c'est scénarisé, et même assez soigneusement, et l'actrice (oscarisée, elle aussi), c'est rien moins que Frances McDormand, qui en est à sa troisième statuette, encore une et elle égale le record de Katharine Hepburn. Un rôle au fond assez facile à jouer, pas de cris, pas de scènes épiques, ce genre de truc, non: tout en retenue, en nuances, en silences éloquents et en désespérance rentrée. Mais justement, le risque était de surjouer, eh bien au contraire: elle sous-joue tellement qu'elle est impeccable, dans ce rôle d'une veuve contrainte de quitter sa ville et sa vie et qui s'en va, d'Amazon en snack, de camping improvisé en route interminable, mener bon gré mal gré une existence de nomade en son vieux van pourri qui la ramènera, après un détour mal vécu dans le monde américain normal, à cet entrepôt Amazon au milieu de nulle part, un an plus tard.

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Qu'est-ce que c'est con, un totalitaire! La Chine dégueule Chloe Zhao et la renie au lieu de la féliciter de montrer que le rêve américain, c'est ça aussi, un monde où la solidarité existe mais pas la sécurité sociale (à moins qu'en Chine, aussi? Mais voyons, c'est un paradis socialiste, non?) et où la misère contraint des gens qui se veulent libres en esclaves tournant en rond dans leur vaste pays pour avoir de quoi payer l'essence et réparer le moteur. La pauvre Fern, elle est tellement désocialisée qu'elle refuse l'apparent paradis d'un homme dans l'Amérique très profonde. Très, très profonde et pourtant en écrivant ces mots, c'est à A star is born et à son tube Bradley Cooper/Lady Gaga que je pense: Shallow. Es-tu heureuse, femme, dans ce monde moderne, ou cherches-tu autre chose? Car derrière la surface, en fait, il n'y a aucune profondeur, plonger c'est se casser la gueule.

Impatients d'y aller? On l'annonce sur les écrans belges et français dans cinq ou six semaines. Suivez le conseil de Frances à la réception de son oscar: allez dans les cinémas avec les gens que vous aimez, vous savez, ces vastes salles sombres avec un grand écran.

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