Pierre Ansay, le résistant philosophe

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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« Ce que nous baptisons communément résistance a trait à cette physique sociale de nouveaux contre-pouvoirs et contre-savoirs qui parasitent le capitalisme au quotidien sans s’opposer à lui frontalement ou fondamentalement. »

Voilà ce qu’écrivait Pierre Ansay, philosophe, dans son livre « L’Homme résistant ». Il était aussi l’auteur de « Penser la ville » (en collaboration avec René Schoonbrodt), « Le capitalisme dans la vie quotidienne » et de nombreux articles et essais critiques. Il a aussi été délégué général Wallonie-Bruxelles au Québec, ce qui a positivement marqué sa vie.

« L’Homme résistant », c’était en 1995, après quelques années de luttes urbaines au sein de l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines (ARAU). Ces mouvements, manifestations, analyses constituaient autant d’actes de résistance à la destruction de l’urbanité et au massacre social par des pratiques urbanistiques des pouvoirs publics de l’époque. Pierre Ansay savait donc de quoi il parlait, en arpentant les pavés bruxellois, se confrontant à la misère accablant la population de certains quartiers.  

Il n’était pas un philosophe de salon. Il voulait traduire pour le plus grand nombre ce qu’il lisait, entendait, discutait avec d’autres rebelles contre ce capitalisme destructeur des solidarités, du vive-ensemble et créateur d’inégalités. Il voulait aussi développer une pensée belge, bruxelloise, utile et compréhensible pour tous ceux qui voulaient participer à cette révolte et qu’elle soit la plus populaire possible.

Il terminait son livre ainsi : « L’évolution positive de la résistance déroule un paysage qui accomplit la transmutation de la liberté involontairement concédée à la liberté sans cesse reconquise au sein de collectivités respectueusement responsables. L’avenir de la résistance n’est rien d’autre que l’avenir des résistants ».

Quel débat démocratique ?

Pierre Ansay était membre depuis 2007 de la rédaction de la revue Politique, sans conteste la revue la plus éclairante pour le public belge francophone qui s’intéresse à la chose politique. On pouvait y suivre l’évolution de sa pensée, toujours cohérente avec sa rébellion permanente contre les autoritarismes quels qu’ils soient. Dans la spéciale 25 ans de Politique, consacrée au thème du débat démocratique, il écrivait, fustigeant les débats qui se déroulent dans l’arène médiatique actuelle: « Le débat dit démocratique s’écarte alors des délibérations démocratiques, c’est un rapport de force langagier, certes régulé par des normes, mais où bien des coups fourrés sont permis. Les acteurs en place ne sont pas animés de ce que le philosophe Michel Foucault nommait d’un terme grec, la parrhesia, le courage de tout dire, le courage de dire, quoi qu’il en coûte, la vérité et d’en accepter les contraintes. Et dire la vérité, c’est ouvrir le débat et s’ouvrir à la confrontation. La parrhesia dans l’épure théorique, c’est un droit qui permet à l’homme politique de participer activement au gouvernement de la cité et d’emporter l’adhésion de ses concitoyens par la franchise de son discours. Elle s’oppose au propos démagogique et populiste qui flatte le peuple et dit ce que le peuple a envie qu’on lui dise. »

Des propos d’une brûlante actualité !

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Pierre Ansay nous a subitement quittés le 3 octobre 2023. Il nous laisse quantité de pensées, de remarques, d’interpellations qui nous incitent à cette recherche de vérité qui doit fonder la politique et la démocratie.

 

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