Respect, Mesdames - Une exposition à Wavre

Une édition originale

Par | Penseur libre |
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Le Parc Nelson Mandela à Wavre accueille depuis le 8 mars, journée mondiale des droits de la femme, une exposition de photographies de Jean-Frédéric Hanssens.

Belle initiative de la Ville de Wavre, celle de proposer en ce joli et modeste parc une présence culturelle et artistique qui, nous l’espérons, se répétera à l’avenir.

L’exposition, construite à la manière d’une promenade thématique en cinq étapes, montre un ensemble de tirages photographiques de grands formats, dans lesquels on retrouve toute la puissance expressive et chromatique que nous connaissons dans l’œuvre de Hanssens.
Expressive, bien sûr, car le photojournaliste capte de manière étonnante et depuis plus de 40 ans, ce qui fait l’intime de l’être humain dans ses forces et ses fragilités.

Le choix des images cible, ici, l’image et la condition des femmes à travers le monde et c’est leurs vies entières qui nous apparaissent alors dans l’immense diversité de leurs carcans culturels.
De l’enfance à l’âge honorable de la vieillesse, Hanssens pointe des instants de vie qui sont autant de moments dramatiques, de difficultés d’être soi ou simplement de vivre, mais aussi de courts moments de ferveurs combatives et de joies, aussi intenses que passagères.
Tous les sujets du monde contemporain dévoilent ces femmes, quant ce n’est pas elles qui les bousculent et les revendiquent. Ainsi, l’exposition le montre avec respect, la femme souffre mais se relève. Elle repart au combat, traverse les Méditerranées et continue de survivre au sein de camps de réfugiés ou d’autres jungles urbaines.

La présentation de ces photographies, comme un livre qui, non content de nous faire penser, nous ferait aussi marcher (actions merveilleusement liées), nous dit le froid constat de la place des femmes au sein des sociétés d’aujourd’hui. La conscience qui nous étreint alors pourrait être celle d’un vain combat s’il n’y avait à chaque détour, à chaque confrontation la certitude que les sociétés d’aujourd’hui sont l’émanation d’une humanité à la dérive et qui cherche les moyens mêmes de reconstruire ses valeurs.
On se souvient plus d’une fois dans cet émouvant livre que l’Histoire s’est bâtie sur des histoires de femmes.

Cette forte impression expressionniste, disais-je, qui nous étreint au cours de la promenade attentive est portée par une qualité chromatique qui semble un des jeux importants du photographe. Car celui-ci cherche des accords impétueux, rares, forcés et osés parfois mais, surprise, cela sonne toujours juste.
Nous marchons les pieds dans l’ocre liquide des rizières d’un vert Véronèse. Nous glissons les doigts sur des tissus de Thaïlande orange et vieux-rose et nous voyons s’envoler une robe-drapeau dans les céruléums des ciels de Zanzibar.

Non, une photo réussie ne l’est pas selon des règles apprises et suivies, mais elle trouve son chant dans les multiples possibilités qu’aura permis le cliché de base. L’instant d’éternité, l’incompréhensible mystère de l’instantané destiné aux développements en tous genres.

Devant l’infinité de possibilités que la technologie offre aujourd’hui au photographe dans la phase de traitement de l’image, que d’aucuns appellent aussi le « développement », chaque choix est aussi un renoncement à toutes les autres possibilités, avec à chaque fois, la crainte de se tromper. Hanssens ne se trompe pas et c’est aussi cela, la spécificité de la photographie contemporaine.

Et que se passe-t-il dans cette conception de l’acte photographique ? La question, bien connue, revient inéluctablement : le photographe est-il un voleur de grands chemins de l’image des gens ?
Jean-Frédéric Hanssens nous dit considérer le moindre cliché photographique par l’occurrence exceptionnelle d’une rencontre inédite, d’un échange précieux.
N’a-t-il pas intitulé un de ses recueils « Regards échangés » ?
Il y a donc ici, à chaque fois, une sorte de demande faite du regard, d’un sourire, d’un clin d’œil, d’un sous-entendu. C’est oui ou c’est non !

Certains photographes croient conserver ce qu’ils ont capté des choses ou des gens.
Leurre évidemment. Ce qui reste dans cette image inerte n‘est que la preuve d’un moment perdu à jamais, d’une jeunesse à oublier pour toujours. Et pourtant rien n’empêchera jamais que cela a été !
Carpe diem, cueille le jour, coupe la fleur, montre sa beauté au risque de la perdre pour toujours.
Voilà l’œuvre cruelle du photographe. Cruelle et sublime.

Le parcours de l’exposition trouve sa boucle dans quelques sourires éblouissants du bout du monde. Pas d’exotisme gratuit, mais bien des rencontres où l’on doit apprendre des langages et des gestes inconnus. On se rend compte en quittant les lieux que l’on a retrouvé ces langues et ces gestes abandonnés depuis si longtemps au fond de nous-même. Ils étaient là depuis la nuit des temps.
Voilà l’œuvre sublime du photographe, elle rassemble tant de choses éparses.

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Boris Almayer


RESPECTMESDAMES – Photographies de Jean-Frédéric Hanssens
Parc Nelson Mandela – Tous les jours de 8h à 20h

Rue de l’Ermitage, 23 à 1300 Wavre – Jusqu’au 30 Juin
Informations sur la présence du photographe à l'exposition : https://www.entreleslignes.be/agenda/respectmesdames%C2%A0%C2%A0du-8-mars-au-30-juin-2021

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