13 bis, l’ange du bizarre.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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L'artiste garde son mystère et son anonymat. L'artiste signe ses oeuvres soit 13 bis soit Treize bis.

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Le travail de Treize Bis ne se laisse pas résumer en quelques formules toutes faites, vides de sens et interchangeables. J’y vois plusieurs raisons. Tout d’abord sa production est d’une grande variété (mises en scène photographiques en intérieur et en extérieur, collages, land-art, home-art, vidéo-clips etc.). Si les supports sont différents, si les formes changent en s’adaptant aux nécessités des projets artistiques, tout discours sur les œuvres reste vain. Toute glose, toute exégèse, non seulement n’expliquent  rien, mais détruisent la dimension magique d’une œuvre qui est faite de mystère.

Toute référence biographique est inutile. Les biographies, toutes les biographies sont des essais de compréhension des œuvres. Elles ont le même objectif : donner des « clés » empruntées à la vie de l’artiste pour expliquer son œuvre. Cette idée part d’un double postulat : toute œuvre, quelle que soit sa nature s’explique. Pour apprécier une œuvre, il faut l’expliquer. Expliquer, « déplier », c’est comme analyser : séparer en morceaux pour en saisir l’ensemble. Ces deux assertions sont discutables et discutées.  Tout d’abord, parce que les œuvres de Treize Bis ne se laissent pas découper en parties élémentaires et que la somme de ses représentations partielles n’est pas l’œuvre globale. Treize Bis nous donnent à voir des images. Des images représentant des scènes, des situations. Le spectateur les regardant est plongé non dans un montage savant d’images, mais, aidé par « les béquilles de l’imagination »,  construit un moment dans une temporalité fantasmée. Nous sommes là au cœur du mystère de la création.

Il est de coutume pour valoriser une œuvre d’identifier de prestigieuses filiations. L’œuvre de Treize Bis n’est certes pas née ex nihilo. Certains, sans être grands clercs,  y verront une déclinaison des thèmes des mythologies grecques et romaines. D’autres, le souvenir des films de Méliès, dans lesquels la fantaisie côtoie le fantastique. D’autres enfin, verront dans l’exubérance des « objets », leur caractère hétéroclite, une lointaine trace des cabinets de curiosités. Treize Bis a  hérité  de tout cela et même du reste : des photographies de Sarah Moon peut-être, des réminiscences de toutes les images vues, des images fortes qui ont structuré sa culture plastique. Son œuvre intègre certes des influences mais les images créées sont originales, délicats délires du riche imagier de son esprit tourmenté.

Je crois comprendre pourquoi ma « raison raisonnante » ne peut expliquer une œuvre de Treize Bis. Quand nous voyons une de ses œuvres, nous mettons inconsciemment en jeu deux approches qui l’une l’autre s’excluent : soit nous mettons en relation les différentes représentations et « mettons en récit » l’œuvre, soit, excluant une approche analytique, nous nous laissons entraîner dans ce qui s’apparente à une « rêverie éveillée ». Dans le premier  processus d’appropriation de l’œuvre, les sens que nous mettons en mots sont intimement liés à notre culture et à notre histoire personnelle. Dans le second processus, la « rêverie » ne peut être collective. Elle nait  de notre imaginaire et nous découvrons alors que « l’imaginaire » se nourrit d’ « images », par définition. Et ces images sont engendrées par nos expériences certes, mais aussi par nos rêves.

Somme toute, c’est bien ainsi. Est-il acquis qu’un artiste est conscient de son acte créateur ? Est-il acquis que toute création artistiques doit devenir l’objet d’un discours de vulgarisation? Je me souviens du beau film d’Henri-Georges Clouzot : « Le  Mystère Picasso » de 1955. Au bout de 78 minutes, nous avons vu Picasso peindre mais le mystère reste entier. Il en est de même pour les œuvres de Treize Bis : il n’y a rien à expliquer parce qu’il n’y a rien à comprendre. Nos liens avec l’œuvre sont d’une autre nature.

Se laisser embarquer dans l’œuvre au gré des représentations, se laisser aller, desserrer notre carcan rationnel, se laisser emporter, ne suivre que les chemins que nous créons, surtout ne rien dire. Les mystères doivent rester des mystères. Il n’y a pas de clés, de modes d’emploi, de prêt à penser pour l’autre. A cette condition, celui qui voit l’œuvre est le créateur de sa rêverie et l’œuvre,  un tremplin pour la susciter.

 

Collage dans la rue.

Un portrait de famille détourné, surréaliste et iconoclaste.Le format et l'encadrement réfèrent aux portraits photographiques de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle.

Portrait en pied. "fausse gravure".

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Grande fresque réalisée en juin 2016 dans une chapelle de l'église Saint-Merry à Paris.

Cadre exposé à Saint-Merry.

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