Bault ? Comme beau.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Lecture 7 min.

Toutes les introductions d’articles portant sur les œuvres d’un artiste commencent de la même manière : des informations biographiques (date et lieu de naissance, études, lieu de résidence etc.) suivies d’une liste plus ou moins longue, c’est selon, de manifestations artistiques auxquelles a participé notre artiste.

Ces informations ont deux fonctions : accréditer le sérieux du rédacteur de l’article et mesurer la notoriété de l’artiste. Sans ignorer les règles qui régissent la rédaction d’articles de presse, je fais volontairement l’impasse sur ces règles non-écrites. Et cela pour au moins deux raisons principales : la première est que la biographie n’explique pas la production d’un artiste et la seconde est que le talent d’un artiste ne se mesure pas. Il n’y a guère d’étalon pour la mesure et la notoriété n’a jamais été un indicateur de l’intérêt artistique d’une œuvre.

Les conditions de production d’une œuvre et son analyse sont seules capables d’éclairer le « regardeur » sur le sens que revêt une œuvre et son intérêt dans le monde des arts et le mouvement des idées.

Ceci dit, en guise d’introduction, entrons dans le vif du sujet.

Je me suis plongé avec délice dans l’œuvre peinte de Léon Bault. L’œuvre est vaste comme un océan. Des travaux d’atelier, des fresques peintes dans la rue, des toiles, des œuvres « en volume ». Quant aux sujets, ils sont légion. Certains y ont vu un bestiaire. Ce qui n’est pas faux sauf que les animaux dessinés ou peints par Bault ne ressemblent en rien aux illustrations naturalistes. Ce sont soit des monstres, soit des chimères. C’est-à-dire, des êtres composites qui empruntent leurs formes au monde des formes animales. A côté des ces drôles d’animaux, il y a des monstres qui sont, à vrai dire, cousins de leurs frères animaux. A côté, des formes humaines. Des têtes avec des yeux, un nez, une bouche, des membres parfois, mais aussi une foultitude de choses qui n’ont rien à voir avec l’humaine nature. A côté, des bateaux, des voitures, des camions, des locomotives. A côté, des fleurs, des feuilles, des plantes qui n’ont qu’un lointain rapport avec le monde végétal.

Bref, Bault peint des animaux qui ressemblent à certains animaux connus de tous, des monstres (un monstre étant une création de l’imaginaire mêlant des éléments disparates), des objets de notre quotidien qui, en fait, n’existent pas, des paysages directement issus de l’imagination fertile de l’artiste.

Dans ce capharnaüm de formes, dans une telle exubérance créative, peut-on trouver des constantes, des éléments récurrents ?

Le plus pertinent me semble-t-il est le refus de la représentation naturaliste du réel.

Même si le regardeur reconnait des formes familières, ces formes tiennent davantage de l’archétype que du portrait. Cela vaut pour les formes « humaines », les formes « animales », mais aussi pour tous les objets. Toutes les représentations sont les fruits de l’imaginaire de Léon Bault. Un imaginaire qui emprunte au réel mais qui l’épure et le transforme au gré de la fantaisie du créateur. Bault n’a pas créé un univers qui aurait une forte cohérence interne. Prenons un exemple : les crocodiles sont cousins et pas frères. Leurs formes diffèrent en fonction des contextes et des aléas de l’imagination. Le monde de Bault n’est pas un monde alternatif.

Autre trait commun aux représentations de Bault, l’absence de profondeur des formes. Les formes dessinées sont en deux dimensions et l’artiste ne recourt pas aux artifices graphiques pour rendre compte du volume (ombres, perspective, succession des plans, couleurs etc.). C’est certainement pour cette raison que les œuvres s’apparentent plutôt à l’illustration qu’à la peinture de chevalet.

Si dans la production de l’artiste nous trouvons des œuvres « isolées », on comprend l’intérêt du peintre pour les effets d’accumulation. Accumulation des détails, surabondance des formes peintes. Le regardeur confronté à ces œuvres perçoit la complexité des formes simples : ces œuvres sont inépuisables du point de vue de leur perception. Il en est de même avec les œuvres nombreuses de l’artiste représentant des files, des rangs, de longues suites de personnages très différents qui souvent s’opposent par leur dessin et leurs couleurs. Le regardeur saisit l’ensemble dans un premier temps avant de « revenir » sur chacun des personnages. Notons que les personnages de ces suites n’entretiennent pas de rapports. Bault ne met pas en scène des personnages ; il aligne des kyrielles de personnages ayant entre eux, non des relations, mais des rapports de formes et de couleurs.

Pas de scène, pas de volume, pas de mouvement.

Du point de vue formel, les points communs entre les œuvres sont nombreux : les formes sont cernées d’un trait noir rappelant la ligne claire de la bande dessinée, les couleurs sont franches et le plus souvent vives et éclatantes. Elles sont peintes en aplats. Le trait dynamique et spontané s’impose au regard.

Comment en regardant les œuvres de Léon Bault ne pas penser au dessin des enfants ?

Je suppute que l’artiste est sensible à la « naïveté » de ces dessins et que, volontairement, il utilise le vocabulaire graphique du dessin d’enfant et explore les thèmes proches de leurs intérêts. Nous sommes là, je crois, au cœur du projet artistique de l’artiste. Léon Bault créé avec une remarquable maîtrise technique l’univers graphique rêvé des enfants. Certes, les emprunts sont manifestes et nous comprenons la volonté de renvoyer à cet univers mais sa maîtrise technique et sa puissance imaginative transforment ces éléments d’emprunts en une œuvre aboutie.

Bault a développé une très originale identité visuelle. On reconnait une œuvre de l’artiste au premier regard. Il met en œuvre sur la scène du street art un projet artistique d’un intérêt évident avec la modestie de l’artisan qui s’efforce de faire de la belle ouvrage. Une enfance revisitée magnifiquement avec ses monstres et ses merveilles.

Mur Oberkampf, Paris.

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Collaboration tetar/ Bault.

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