Bruno Big, fresque aux oiseaux de la rue de l’Ourcq, Paris, 2016.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Le premier oiseau peint à gauche de la surface à peindre. Une posture "en majesté".

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Un samedi à Paris, rue de l’Ourcq, dans le 19ème arrondissement de Paris, Marko93 et Da Cruz ont décidé de « rafraichir » leurs fresques qui des ans ont subi le réparable outrage. A leur côté, un jeune artiste, Bruno Big, met la touche finale à sa fresque. On comprend d’emblée pourquoi il a pris comme nom d’artiste, comme blaze, Bruno Big. « Bruno » parce que c’est son prénom (son nom est Carneiro Mosciato), et « big »  parce qu’il n’est pas « gros » mais « grand ». C’est en anglais que nous avons eu une conversation qui éclaire son œuvre. Bruno Big est un jeune artiste brésilien (né en 1980) qui explore des techniques fort diverses : la gravure, la poterie, le pochoir entre autres sans interrompre son travail « dans la rue ». Le commentaire de sa fresque aux trois oiseaux est une introduction à son œuvre.

Bruno Big n’a pas fait de croquis avant de peindre. Il a commencé à peindre un oiseau en partant de la gauche et, suivant son inspiration, il continue à peindre deux autres oiseaux reliés par des feuilles et des végétaux qui font office de fond. Les oiseaux sont peints de couleurs très vives : une harmonie de rouges, d’orangés et de jaunes. Les plumes des oiseaux sont davantage suggérées que peintes et les formes sont archétypales, stylisées à l’extrême. Les dessins des oiseaux  sont cernés de noir. On retrouve ce trait d’un noir profond pour cloisonner  les surfaces, les diviser, pour éviter de larges aplats monochromes. Ainsi, par exemple, les têtes des oiseaux sont traversées de lignes noires, comme leur bec. Les choix chromatiques des oiseaux montrent que les oiseaux sont le sujet de la fresque. Les feuilles forment le fond. Leurs nervures sont géométrisées. Un trait noir découpe les grandes surfaces des végétaux en surfaces plus petites dont les formes épousent les courbes des contours des feuilles. Les couleurs n’ont rien de réaliste : elles sont bleues (du bleu ciel au bleu outremer), vertes certes mais aussi, violette, lilas. Le nombre de feuilles, leur forte présence (elles représentent la plus grande surface de la fresque), l’harmonie froide parfois rehaussée de touches plus lumineuses, évoquent une nature luxuriante.

En résumé, trois oiseaux « de feu », aux harmonies chaudes volent et se détachent sur un fond d’une nature généreuse, stylisée, aux harmonies froides.

Bruno Big, interrogé sur les sources de son inspiration, parle de son imaginaire de l’Amazonie. Ses images mentales sont suffisantes pour peindre « sur le motif », pour ne pas dire au pied du mur, une fresque de plus de 15 mètres de long sur 3 mètres de haut. L’oiseau peint en premier a « appelé » un fond de plantes et des feuilles, qui a « appelé » un deuxième oiseau et ainsi de suite. De cette manière, la fresque a pris naissance. La fresque n’a pas existé préalablement, ne serait-ce qu’à l’état d’ébauche. Elle s’est inventée à fur et à mesure. Cette démarche de Bruno Big qui semble se  « mettre en danger » en « improvisant » s’apparente aux improvisations des musiciens.  L’artiste a déjà peint des oiseaux et des feuilles, il ré- agence des éléments graphiquement maîtrisés. De la même manière, il maîtrise à la fois sa manière de découper les surfaces et de les colorer. Cette réutilisation des éléments graphiques et des harmonies chromatiques limite « la prise de risque » qui est, en fait, inexistante. La remobilisation des habiletés expliquent la rapidité d’exécution : en moins de trois heures, Bruno Big a peint environ 40 m2 d’un vilain mur. Ce processus de récupération des sujets, des motifs et des couleurs est très utilisé par les street artists.  Il permet une grande vitesse d’exécution (vitesse souvent nécessaire lorsque le graffiti est « sauvage ») et une reproduction rapide des œuvres (nécessaire pour certains artistes afin de laisser dans l’environnement urbain de nombreuses traces dont la plupart sont éphémères).

D’autres artistes ont des procédures différentes. Les gigantesques fresques du portugais Violant sont uniques et savamment préméditées. L’espagnol Dourone travaille en amont sur une tablette graphique avant de reporter les graphismes sur un quadrillage. Le brésilien Utopia dessine sur un méchant bout de papier un rapide croquis. Le français Marko93 peint de la main droite, la gauche tenant un portable affichant une photographie. Quatre exemples qui, bien sûr, ne sont pas exhaustifs. Ils illustrent l’extrême variété des démarches de création et d’exécution.

 

 

L'oiseau central peint dans les mêmes dominantes. La posture suggère le vol, le mouvement.

Le troisième oiseau, dans une posture différente, mais dans la même gamme chromatique.

Les feuilles et les plantes sont découpées comme le sont les oiseaux.

Les couleurs, comme le dessin, s'écartent de toute tentative réaliste.

Bruno Big peint à la bombe aérosol oiseaux et végétaux.

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Avec une buse fine, l'artiste découpe les aplats.

Bruno Big (octobre 2016)

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