Les murs peints du 13ème arrondissement de Paris, toute une histoire !

Street/Art

Par | Penseur libre |
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La Tour 13 (aujourd'hui démolie).

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Lecture 7 min.

Il était une fois…le 13ème arrondissement de Paris! Pas le plus grand, pas le plus riche, pas le plus pauvre,  mais atypique, singulier. C’est assurément l’arrondissement le plus street art friendly de Paris, une des capitales mondiale du street art. Un arrondissement qui possède 28 fresques murales, exécutées par 21 street artists de 10 nationalités différentes. Si des fresques ont été peintes sur des murs de clôture, la majeure partie est constituée  de « murs » (au sens de muralisme) de très grandes dimensions. Ce sont parfois des façades d’immeubles sociaux ou des pignons. Certains ont plus de 50 mètres de haut et leur largeur est celle de l’immeuble (plus de 20 mètres). Comment expliquer le nombre de ces œuvres monumentales dans cet arrondissement ? C’est toute une histoire…Une histoire qui mérite d’être contée.

A l’origine du projet, une tradition et une rencontre. Le maire de l’arrondissement, Jérôme Coumet, dans un entretien donné à une revue y raconte son origine : « Cette tradition est plus ancienne qu’il n’y paraît puisque l’association « Les Lézards de la Bièvre » avait initié l’intervention d’artistes de rue à l’occasion des portes ouvertes des ateliers, avec par exemple Miss Tic et Némo. De mon côté,  j’avais l’obsession de rendre plus visible le caractère artistique du 13e où se trouvent de très nombreux ateliers (d’artistes). Enfin, j’ai fait la rencontre de Mehdi Ben Cheikh qui a ouvert la Galerie Itinerrance dans le 13e avec qui nous avons initié de nombreux projets. »

De cette rencontre, un projet alors novateur naquit ; dans l’attente de la démolition d’une tour d’habitation, de nombreux street artists s’approprient les lieux et créent un évènement qui aura moult conséquences. La Tour 13 devient l’espace de quelques mois un manifeste du street art. Son mur pignon est peint d’une fresque marquée par l’influence du lettrage et de la calligraphie arabe. Les logements vides, tous identiques, sont investis par les artistes qui proposent des œuvres d’une grande diversité, illustrant par l’exemple, la richesse de cet art urbain. La Tour 13, en quelques jours,  devient « the place to be » de Paris. Des milliers de visiteurs feront la queue en plein hiver, plus de 4 heures, pour avoir la chance de la découvrir. Les médias donneront à l’évènement la taille d’un phénomène de société. La Tour 13 inaugure un type nouveau d’évènements artistiques : l’appropriation par des street artists d’un espace voué à la démolition. L’aspect éphémère de la manifestation, la destruction des œuvres lui confère un caractère exceptionnel.

Confortés par le succès de la Tour 13, le maire de l’arrondissement, Jérôme Coumet et le directeur de la galerie Itinerrance  vont prolonger leur partenariat y associant une autre galerie de l’arrondissement, la galerie Mathgoth. Ils  mettent en œuvre une démarche originale : « Dès les premiers murs, nous avons associé les habitants, fait de la pédagogie et ainsi nous avons pu bénéficier du soutien des habitants.  Au-delà des idées préconçues, les publics sont très variés. Les premiers soutiens furent des mamies du quartier qui dès le matin emmenaient le café à l’artiste. Bien entendu, la médiatisation nous a aussi aidés. Et j’aime quand des habitants me disent avec fierté : « j’habite l’immeuble du « chat » de C215 ou de « La Résistante » d’Obey. Nous avons la volonté d’impliquer systématiquement les habitants du quartier. Généralement, l’artiste présente plusieurs esquisses et les riverains votent pour choisir l’œuvre qui sera réalisée. Nous avons aussi associé des écoles pour certaines interventions. »

Si les premiers murs sont des commandes municipales, fortifiés par la forte implication des habitants et le rayonnement du projet, le trio Jérôme Coumet et les deux galeristes, ont servi de médiateurs, de « go between », entre les bailleurs sociaux, devenus entretemps demandeurs de fresques monumentales, et les artistes. Les galeristes spécialistes du street art ont facilité les contacts entre les « pointures » de cet art qui ne connait pas les frontières et apporté leur expertise au projet. Curieux renversement des choses ! Les propriétaires des murs qu’il fallait dans un premier temps démarcher, convaincre, voire aider à financer  la fresque sont pour des raisons qui ne sont pas seulement artistiques demandeurs et financeurs.

En quelques années, en s’inscrivant dans un terreau ancien d’ouverture sur les arts, un maire et deux galeristes ont transformé le paysage urbain. Les fresques sont devenues un marqueur fort de la politique de la municipalité et un atout touristique. Le site Internet de la mairie présente le projet dans les termes suivants : « Le Street art est en plein expansion et connaît aujourd'hui une reconnaissance artistique internationale. Paris, grâce au 13e arrondissement, s'inscrit dans la lignée de New York ou Lisbonne.

Le parcours artistique "Street art 13", réalisé en collaboration avec la Galerie Itinerrance et la galerie Mathgoth est une attraction touristique parisienne attirant de nombreux visiteurs français et internationaux donnant une grande visibilité au 13e et à ses partenaires.

Le Street art est également un formidable outil de promotion de la culture pour tous. Le choix d'exécuter des fresques, en partenariat avec les bailleurs sociaux, ou sur de grands ensembles, participe de cette volonté. »

Des amours d’un maire et de deux galeristes devaient naître de beaux enfants. Des fresques ont été certes détruites (la Ville est vivante),  d’autres vont être peintes. L’aventure continue. Dans l’arrondissement et dans d’autres. Le 13ème est devenu un exemple et un modèle d’une politique culturelle ambitieuse ouverte sur l’international, sociale car accessible à tous les habitants, intergénérationnelle, participative.

Annexe : Liste des fresques et adresses.

C215 (France) / 141 boulevard Vincent Auriol 75013 Paris

David de la Mano (Espagne) / 3 rue Jenner 75013 Paris

Ethos (Brésil) / Stade Carpentier / 81 boulevard Masséna 75013 Paris

Faile (USA) / 110 rue Jeanne d’Arc 75013 Paris

Inti (Chili) / 13 rue Lahire 75013 Paris

Inti (Chili) / 129 avenue d’Italie 75013 Paris

Inti (Chili) / 80 boulevard Vincent Auriol 75013 Paris

Invader (France) / Hôpital Universitaire Pitié-Salpêtrière / boulevard Vincent Auriol 75013 Paris

Jana & Js (Allemagne, France) / 110 rue Jeanne d’Arc 75013 Paris

M-City (Pologne) / 122 boulevard de l’Hôpital 75013 Paris

OBEY (États-Unis) / 93 rue Jeanne d’Arc 75013 Paris

OBEY (États-Unis) / 60 rue Jeanne d’Arc 75013 Paris

OBEY (États-Unis) / 186 rue Nationale 75013 Paris

Pantónio (Portugal) / Croisement boulevard Vincent Auriol et rue Jenner 75013 Paris

Pantónio (Portugal) / Avenue de Choisy / Place de Vénétie 75013 Paris

Roa / Ascenseur / Rue Marguerite Duras 75013 Paris

Sainer (Pologne) / 13 avenue de la Porte d’Italie 75013 Paris

Stew (France) / Place de la Vénétie 75013 Paris

Vhils (Portugal) / 173 rue du Château des Rentiers 75013 Paris

 

Le chat de C 215 (pochoir), France.

Jana et JS (pochoir), Allemagne et France.

Pantonio.Portugal

Obey Giant (Shepard Fairey),Etats-Unis.

Seth, France.

Stew, France (pochoir et techniques mixtes)

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Obey Giant

C 215 (pochoir)

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