Quatre fresques de Yosh, black is back.

Street/Art

Par | Penseur libre |
le

Fresque (environ 2,5x4 m), 2016

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Lecture 5 min.

L’œuvre de Yosh déroute. Elle est multiforme. Elle alterne les supports mais aussi les thèmes et les modes de représentation. Faute de trouver un fils conducteur entre les œuvres, je réduirai mon commentaire à 4 grandes fresques réalisées à un an d’intervalle sur le même mur, celui de la rue Henri Noguères dans le XIXème arrondissement de Paris.

La juxtaposition des fresques et, partant, leur comparaison est éclairante. Façon de dire car elles abordent le même champ sémantique : celui de la mort.

Vanités modernes.

Deux fresques qui par leur sujet et leur composition sont relativement semblables. Dans la première un crâne regarde le spectateur. En fait, à y regarder de plus près, ce n’est pas vraiment un crâne (la tête de mort possède des yeux, des paupières, des cils…et toutes ses dents). Ce n’est pas un visage pour autant : il ne reste du nez qu’une cavité, la mâchoire inférieure est articulée à la boite crânienne. C’est bien davantage l’imaginaire d’un visage en décomposition, encore vivant. Cette vision de cauchemar est située au centre d’une composition végétale ; des fleurs, des arbres, des feuilles. Un réseau de formes colorées en rose, seule couleur vive de la fresque, convergent vers le visage (à moins qu’elles en émanent). Elles ne ressemblent guère aux branches voisines ; on pense plutôt à des lianes ou des filaments qui interpénètrent la végétation exubérante. Des yeux coulent des larmes, ou des sécrétions qui se mêlent au chaos végétal.La seconde fresque est, non pas un crâne, mais une partie de crâne (manque la mâchoire inférieure). Les yeux sont des lueurs rougeâtres, lumière décroissante d’une vie qui s’éteint. Des orbites,  de fines branches poussent et rejoignent le décor végétal. De cette mort naissent de superbes fleurs.Les deux fresques ont des points communs. Tout d’abord des ressemblances quant à la forme. Les deux fresques sont détachées du mur par un cadre. Les fonds sont argentés, le dessin est noir, la couleur (rose, rouge) intervient très peu. Sur le fond, les fresques semblent s’inscrire dans la longue histoire des vanités.

Scènes d’horreur.

Les deux autres fresques sont des variations sur le même thème. Un beau et juvénile visage de femme, situé dans la partie haute et centrale, pleure. Il semble émerger (ou disparaître) dans un décor fait de végétation et de crânes aux yeux jaunes. Les yeux de la jeune femme sont étrangement de couleurs différentes : rouge et bleu. La quatrième fresque est un graff de Yosh. La calligraphie du blaze est encadrée par un personnage et une tête de mort. Le décor est là encore végétal,  mais il se mêle à l’organique voire au mécanique. La branche tenue par la main du personnage a un œil. Le «corps » du personnage est une fusion d’éléments techniques, comme la calotte, les tuyaux, et d’une nature vivante et menaçante.

Le gothique revisité.

Dans les quatre fresques l’artiste a écrit des mots : « sombre », « noir », « Yosh », « Milan ». Des mots plutôt cachés qu’écrits. Ecrits parfois à l’envers, intégrés au décor. Ces fresques, presqu’en noir et blanc, ressemblent à des illustrations voire à des gravures. L’artiste, il est vrai fort peu disert, confie son lien fort avec Gustave Doré. Il est vrai que deux fresques de Doré en particulier font écho au traitement de Yosh : la transfiguration du végétal et de l’organique, la décomposition du corps.

L’imaginaire d’un jeune street artist prend certes sa source dans l’œuvre gravée d’un illustre illustrateur de la seconde moitié du XIXème siècle mais sa déclinaison est fascinante : la mort rend liquide le corps (les larmes, la putréfaction des chairs), mort qui  donne naissance aux formes les plus abouties de la beauté (les fleurs, les feuilles). Jeu de mots (cachés), jeu des contrastes (vie/mort, noir/blanc, rose/noir, rouge/bleu). Yosh peint de superbes illustrations d’une mort dont il ne reste que l’horreur. Ultime pied de nez à la Camarde.

Fresque contemporaine de la première.

Fresque, 2017.

Graff/fresque, 2017.

"Noir" écrit à l'envers dans l'entrelacs de la végétation.

"Sombre", écrit horizontalement, mêlé au décor.

"Yosh", blaze de l'artiste, écrit/dissimulé dans le décor végétal en plus de la signature de l'oeuvre.

"Milan", dissimulé "derrière" des éléments de décor.

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Gravure de Gustave Doré (Les contes drolatiques)

Gravure de G.Doré(illustration de L'enfer de Dante).

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