Street art et couteau suisse.

Street/Art

Par | Penseur libre |
le

Playground des Halles, Paris.

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Lecture 6 min.

Le street art serait-il une solution à l’animation culturelle des quartiers et à l’embellissement de nos villes ?

Comme les escargots après une belle pluie d’orage, les manifestations culturelles centrées sur le street art se multiplient. Cet été a été meurtrier pour nombre de festivals de street art. Pourtant, en France, des collectivités locales de concert avec des associations ont réussi à organiser des dizaines de festivals qui ont été l’occasion de réunir des centaines de street artistes.

Malgré les très fameuses mesures-barrière, des galeries ont proposé de superbes expositions à Paris mais également en province.

Dès le déconfinement, les artistes ont ressorti vite fait leurs bombes aérosols pour peindre dans la rue.

Dans les villes, les « murs »[1] se multiplient.

Le street art diversifie ses supports : aux traditionnels murs s’ajoutent les « roulants », le mobilier urbain, la décoration des appartements, des locaux des entreprises, des commerces, les murs aveugles des immeubles (les « murals » dans la langue de Shakespeare), sans parler de milliers de produits dérivés. Dans le même temps que le street art entre dans les musées, il conquiert sans cesse de nouveaux territoires (mode, publicité, design etc.)

A n’en pas douter, grâce au street art, nos villes sont devenues plus « intéressantes ». Les brochures publicitaires distribuées par les offices de tourisme font la promotion de visites guidées des spots et décrivent la ville comme « une galerie à ciel ouvert ». Des villes se prévalent d’être les « capitales du street art ». Bref, à côté du graffiti vandale coexiste un art urbain institutionnalisé populaire.

Parisien me semble-t-il depuis toujours, habitant « la plus belle ville du monde » d’après les guides touristiques, je connais des endroits d’une grande laideur. Les échangeurs d’autoroute, les parkings souterrains, les tunnels, la majorité des portes de Paris, nos entrées de Ville sont couleur béton et asphalte, un désolant chromatisme de gris salis et de noirs délavés. Force est de constater que nos édiles et nos architectes ont bien du mal à concilier les formes modernes de l’urbanisme avec l’esthétique.

La situation est grave mais pas désespérée ! Le street art qui participe à l’animation culturelle de nos villes et concourt à leur embellissement peut transformer en œuvre d’art des lieux dépourvus de toute forme de beauté.

Pour preuve deux exemples bien différents mais typiques des actuelles évolutions : la collaboration de street artistes à la construction de playgrounds (disons, d’aires de jeux !) et le travail d’un grand fresquiste, Martin Ron.

Récemment, trois créations de playgrounds ont fait appel aux talents de street artistes.

- Le terrain Duperré créé par ILL Studio, le playground « ZZ10 » de Saint-Denis conçu par le studio Noncommun avec la collaboration de 5 street artistes : Arnaud Liard, Hobz, Lek, Rétro et Tchéko.

-Le playground de la Friche de la Belle de Mai à Marseille.

- Le playground des Halles à Paris.

Evoquant la création de cette aire de jeux de plus de 400 m2, dans un entretien Romain Froquet précise dans quel état d’esprit il a entrepris ce travail : « Dans mon travail habituel, j'aime m'affranchir des limites, c'était donc plutôt drôle ici de jouer avec ces mêmes limites que sont celles, nécessaires, d'un terrain pour les réinterpréter totalement ». Il justifie, par ailleurs, la déclinaison de la couleur bleue : « J'ai utilisé des gammes à dominante bleue pour rappeler la lumière, le sol est en quelque sorte un miroir du ciel avec d'autres couleurs qui tranchent comme l'orange et le jaune ».

A n’en pas douter ces réalisations au cœur des villes sont des réussites. Elles démontrent, s’il en était besoin, que la collaboration des street artistes à la création d’équipement collectifs apportent un plus, un supplément d’âme et de beauté.

Mon second exemple est argentin. Il s’agit d’un muraliste de renommée internationale : Martin Ron.

Martin Ron a peint des « murals » dans le monde entier et, en parallèle à son travail de muraliste, il a peint des façades entières. L’effet est surprenant : il semble que les habitants des immeubles dont les murs sont peints vivent à l’intérieur d’une œuvre d’art. Dans ce cas, le mur n’est pas seulement le support d’une œuvre, mais c’est l’immeuble même qui devient une œuvre. Par ailleurs, il a peint de couleurs vives des parkings et les superstructures d’autoroutes urbaines. Les formes et les couleurs changent notre perception de ces espaces qui, à leur tour, deviennent des lieux d’une grande beauté formelle.

J’ai, à dessein, limité mes exemples aux playgrounds et au travail de Martin Ron. J’aurai pu les compléter par de nombreux autres : des ponts « revisités », des façades d’immeubles de bureau, des gares routières etc.

Somme toute, la laideur urbaine n’est ni une fatalité ni une évidence. Les villes peuvent se réinventer en conciliant fonctionnalité et beauté. L’art n’est pas voué à être cantonné dans les « lieux de culture » que sont les musées, les galeries, etc. Il peut descendre de l’Olympe dans la rue et devenir un vecteur puissant de la transformation de nos villes.

 

[1] Spot de street art, le plus souvent géré par une association.

Halles, Paris.

Halles, Paris.

playground Duperré.

Playground Friche de la Belle de Mai, Marseille.

Marseille.

Maison peinte par Martin Ron.

Martin Ron.

Parking.

Trompe l'oeil, Pays-Bas.

Gare routière.

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