Ukraine : peace and love.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Vendredi 11 mars, 14ème jour de guerre en Ukraine. L’armée russe progresse sur tous les fronts. Les infrastructures ukrainiennes sont bombardées, routes, ponts, centrales électriques ainsi que les immeubles d’habitation, les hôpitaux, les maternités, les écoles. Plus de 2,5 millions de déplacés. Les hommes de 18 à 60 ans sont mobilisés. Les forces militaires de l’Otan renforcent leur présence dans les pays voisins. L’Europe a peur. Le monde a les yeux fixés sur le conflit. Poutine et ses affidés déroulent leur stratégie expérimentée en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie : encercler les villes, bombarder pour provoquer la terreur et faire fuir les civils, attaquer des poches de résistance. Poutine et les ultranationalistes de son premier cercle veulent laisser leurs noms dans l’Histoire russe comme les héros qui auront l’empire après le désastre de l’effondrement de l’U.R.S.S.

L’invasion russe a provoqué des réactions dans le monde entier. Les états ripostent à l’invasion en tentant d’étrangler l’économie russe et en armant la résistance ukrainienne. Les street artistes participent de cette riposte. Fresques, pochoirs, affiches sont leurs armes. D’aucuns penseront qu’elles sont dérisoires ! Elles témoignent en tout état de cause des émotions ressenties par les jeunes artistes.

Dans mon article précédent, m’appuyant sur de nombreux exemples, j’ai tenté de montrer que le drapeau ukrainien est devenu le symbole de soutien au peuple agressé et ses couleurs, le bleu et le jaune, sont aujourd’hui celles de la résistance. Le présent billet poursuit la réflexion sur les symboles perçus par les artistes comme des soutiens au peuple martyr.

Il n’est guère étonnant de retrouver dans les œuvres des street artistes des symboles de la paix. Ils sont nombreux et sont dans une très large mesure universels. La colombe, l’olivier et son rameau, le drapeau blanc, la croix rouge, le drapeau arc-en-ciel, le drapeau olympique aux 5 anneaux, la grue en origami, le calumet, le coquelicot blanc, le fusil brisé sont quelques-uns de ces symboles.

Plusieurs symboles méritent un commentaire, j’y reviendrai dans de prochains articles. Un de ces symboles a retenu mon attention : il s’agit du symbole des opposants à l’utilisation des armes nucléaires (☮). La première raison est sa forte occurrence. Il semble qu’il soit compris dans de nombreuses sociétés occidentales non comme le symbole du combat contre le nucléaire militaire mais comme le symbole de la paix.

Il apparait parfois seul et souvent combiné à d’autres symboles plus anciens voire datant de l’antiquité (colombe, rameau d’olivier). « Le symbole de la paix « » est en fait, lors de sa création, l'emblème des opposants à l'armement nucléaire. Il est créé le 21 février 1958 par Gerald Holtom, un artiste membre de la Campaign for Nuclear Disarmament (Campagne pour le désarmement nucléaire) britannique (CND), à la demande de Bertrand Russell, organisateur et chef du mouvement. Il est actuellement toujours identifié comme tel en Grande-Bretagne mais, partout ailleurs sur la planète, il est l'emblème de la paix, de la non-violence et du pacifisme. Son concepteur s'est basé sur le code sémaphore britannique pour créer ce symbole, où les deux branches qui pointent à gauche et à droite signifient « N » et la barre centrale « D », pour « Nuclear Disarmament » »[1].

Je pense que le passage de « lutte contre l’arme atomique » au symbole de la paix est lié à l’influence de la culture américaine. En effet, des drapeaux, des banderoles mais aussi un nombre invraisemblable de « produits dérivés » (boucles de ceinture, bijoux, pochettes de disques etc.) sont apparus lors des manifestations et associés à la culture « peace and love » dans les années 60. De nos jours, l’origine du symbole s’est perdue et sa signification étendue à la paix. Notons que c’est également le cas pour d’autres symboles (le rameau d’olivier[2] ou la colombe[3]).

Afficher le symbole de la paix est bien davantage une réaction émotionnelle qu’une revendication politique. La « demande de paix » est certainement perçue comme la fin des combats et le retour à la situation antérieure. Or le fait que personne ne veut la guerre, le cessez-le-feu et la résolution du conflit (problème des frontières, entrée de l’Ukraine dans l’U.E., entrée dans l’O.T.A.N., reconstruction de l’Ukraine, réparations financières, comparution des criminels de guerre devant le tribunal international etc.) sont des problématiques d’une extrême complexité qu’il faudra certes affronter tout en sachant qu’il y aura une situation internationale avant l’invasion et une situation internationale après l’invasion. Les équilibres hérités de la fin de la seconde guerre mondiale en seront modifiés.

A la réflexion, je me demande si les jeunes street artistes sont aussi éloignés que cela de la culture hippie. En effet, dans le même mouvement, souvent associés aux symboles de la paix, nous trouvons des milliers de cœurs symbolisant l’amour. Une demande de paix et une résolution du conflit par l’amour réciproque. Rien à voir avec la religion. Une version revue et corrigée des idéaux libertaires. Ce n’est pas moi qui reprocherais aux jeunes d’être utopistes et de croire que l’amour de l’autre suffit à créer un monde meilleur !

Outre l’intérêt de constater que les symboles ont une histoire, que leur signification varie avec le temps et les sociétés, les symboles peints sur les murs de nos villes disent en creux le désespoir des jeunes adultes confrontés comme nous le sommes à l’impensable et qui, dans cette horreur, ne peuvent pour se protéger qu’élaborer des solutions qui relèvent de l’utopie. La violence de la guerre, la mort des innocents sont au sens littéral impensable. C’est la raison pour laquelle, les jeunes et parmi eux les jeunes street artistes, recourent à une symbolique réparatrice.


[1] In Wikipédia

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[2] La branche d'olivier était aussi l'un des attributs de la déesse grecque Eirènè ("Paix") et son équivalente romaine Pax.

[3] Dans l'épisode biblique du Déluge, la colombe revient sagement vers l'Arche de Noé apportant dans son bec un rameau d'olivier, message divin selon lequel les eaux se sont retirées et que le calme est revenu sur Terre. De là, la colombe est devenue symbole de paix et d'espérance.

Banksy
Grégos, Paris.
Shepard Fairey.Etats-Unis.
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