Violant, Pan et moi.

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Pan (détail)

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Entre l’œuvre d’un artiste, l’artiste lui-même et le « regardeur », il y a des « affinités électives ». Voilà presque une décennie que je suis avec constance et attention un artiste portugais, João Mauricio aka Violant. J’ai consacré à son travail trois billets[1] et entretenu avec l’artiste une correspondance. Correspondance qui m’a permis d’éclairer la signification de ses œuvres, du moins j’ose l’espérer.

Lors de la mise en ligne des clichés de son avant-dernière fresque, nommée Pan, Violant a joint aux photographies un texte dans lequel il explique les conditions de sa production. Le fait est rarissime et j’ai saisi cette opportunité pour suggérer à Violant de traduire son texte rédigé en anglais.

Avec sa gentillesse coutumière João a accepté ma proposition et répondu aux questions que je me posais sur sa production. C’est donc le texte de l’artiste que je vous propose de découvrir, brut de décoffrage, sans commentaires de ma part (une fois n’est pas coutume !).

« Une fois encore, ma fresque Pan est un de mes projets qui n’a pas été retenu (mais je l’ai fait quand même !). La fresque est quasiment contemporaine de ma dernière fresque que j’ai nommée « Thétis » (fresque également rejetée et que j’ai peinte quand même !).

Les deux fresques sont comme les fruits de la même branche : deux personnages mythologiques, tous deux jouant de la musique, les deux ayant des cornes, les deux étant libidineux. Ils ont aussi un caractère quelque peu paradoxal, comme le jour et la nuit, le soleil et la lune, homme et femme, rejetés et désirés. C’est pour moi un autoportrait imaginaire, que je vais vous expliquer.

En arrière-plan de la scène, j’ai représenté village moche qui est situé près du lieu où j’ai peint la fresque. Je l’ai représenté comme je l’imaginais être dans le passé, avec sa rivière, son église et pour compléter le tableau j’ai ajouté les éléments du paysage qui existent aujourd’hui.

Le spot étant à l’entour du village, l’image du dieu Pan s’est imposé à moi. Pan, était une créature monstrueuse mi- homme, mi-bouc, qui hantait les abords des villages. Ses pouvoirs magiques, les sons divins qu’il tire de sa flûte étaient pour moi comme une métaphore de la fresque que je comptais peindre près de ce village affreux.

Dans le mythe de Pan, il y a un épisode qui raconte l’origine de sa flûte. Cela se passe plus ou moins comme ça.

Pan était amoureux d’une nymphe appelée Syrinx. Un beau jour, il la poursuivit par monts et par vaux et l’accula sur les bords d’une rivière. Les déesses ou les dieux, que sais-je, l’ont transformée en roseaux qui ont poussé sur les bords de la rivière. La nymphe échappa ainsi à son prédateur. Pan voyant ce qui venait de se passer, saisit alors une poignée de roseaux et les rassembla dans sa main. Le souffle court, haletant à cause de la course, quand ses lèvres touchèrent les roseaux, il eut la récompense de ses efforts et produisit un son magnifique. Il choisit alors des roseaux de longueurs différentes et les attacha ensemble, inventant ce qu’on allait appeler la flûte de Pan, et depuis, Pan n’est jamais représenté sans elle.

En peignant cette fresque, j’ai trouvé un moyen de traduire et de parler de mes sentiments à travers cette histoire. J’ai ajouté à ma représentation de Pan des symboles païens comme les œufs de Pâques, comme la rosée qui coule d’un champignon sur un autre, comme le faune marchant sur des fleurs qui, en Portugais, ont le nom d’une femme.

Une autre chose amusante s’est produite et s’inscrit parfaitement dans le contexte. Une femme du village est venue me voir peindre. Elle ne s’attendait nullement à me voir peindre une fresque sur le mur sur lequel j’avais déjà peint une autre fresque. Dès qu’elle a vu la nouvelle fresque, elle rebroussa subitement chemin, marcha à une vitesse telle qu’elle s’est marché sur les pieds et qu’elle a failli tomber, prise de panique.

C’est de là que vient le mot « panique ». »

Esquisse de Pan

Le "spot"

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Pan

Portrait de Violant.

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