Visite d’exposition : « Origines », galerie Au Médicis, Paris.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Sous le titre générique « Origines », Lysok Dangy a eu l’heureuse idée de présenter du 24 au 29 septembre 2019 les nouvelles œuvres de quatre artistes aux imaginaires et aux univers graphiques fort différents. Trois viennent de la scène parisienne de graffiti, Lask, I.K.TWE et MTO et Bouelle dont les productions sont fascinantes et inclassables.

Samedi 29 septembre, le jour du finissage de l’exposition, le soleil de Paris nous rejouait un air de canicule estivale, la galerie Au Médicis située en face du jardin du Luxembourg était une belle occasion de voir et admirer les productions récentes de trois artistes connus et de découvrir l’œuvre singulière du plasticien Bouelle.

I.K.TWE exposait quatre pastels de grand format. Ils déclinaient un thème classique : la violence. Avec des pastels aux couleurs vives appliqués en larges aplats cernés par de forts traits peints à l’encre de Chine, des scènes dynamiques montraient des hommes jeunes dans un combat inégal, frappés, matraqués, par des guerriers sans visage. Des guerriers revêtus d’armures, casqués, en nombre, frappaient et frappaient encore. Ce n’était pas une guerre, pas un combat, mais plutôt l’illustration d’un lynchage légal. Les scènes sont décontextualisées, ce qui ouvre les interprétations. Le trait d’I.K. épais et noir s’opposent au chromatisme des couleurs primaires. Trait et couleurs traduisent mouvement et violence. I.K. TWE rompt avec la tradition du pastel. Les teintes ne sont guère « pastels » et leur utilisation s’apparente aux glacis et aplats des peintres de chevalet.

Lask nous donne à voir deux aspects fort différents de son travail d’atelier. Une peinture abstraite et des dessins. Ce sont ses toiles qui ont donné à l’exposition son titre. Lask dont on connait le talent à peindre des portraits revient à l’origine de sa peinture : le mouvement et la couleur. Le mouvement de la bombe aérosol est celui du bras et celui du corps tout entier, tout comme l’épaisseur du jet de peinture dépend de la pression exercée sur la buse. Les couleurs sont une alternance subtile entre harmonie et contraste. Il est aisé de voir dans les toiles abstraites de Lask le mouvement du graffeur s’affrontant au mur et s’efforçant de traduire par la peinture ses émotions.

Les dessins de Lask, exécutés le plus souvent à l’encre de Chine et avec du café, sont de petites merveilles. Elles font référence à l’imaginaire de l’artiste, un imaginaire peuplé par les figures de la culture hip-hop et aussi, et cela est émouvant, par ses origines. Des dessins remarquables par la précision et la finesse de l’exécution. Lask est décidément un grand dessinateur, expert dans l’art de saisir une ressemblance et de faire une caricature.

MTO présentait une seule œuvre, mais quelle œuvre ! Un portrait de grande dimension peint à la bombe acrylique sur un textile épais, un portrait superbe de Johnny Depp. Une image inhabituelle de Johnny Depp, en extérieur, chapeau de soleil sur la tête et chaussé de lunettes orange. L’ombre du chapeau ajoute au mystère de la star iconique tenant entre ses lèvres une cigarette trop longue pour être vraie ! Un Johnny Depp dans un décor improbable, presque caché des regards.

Photographe de talent, plasticien, Bouelle est tout cela et plus encore. Les productions exposées ont des points communs, la photographie et le montage. Au sous-sol de la galerie, il explore les relations entre reproduction du réel et perturbation de l’ordre naturel par le montage de photographies découpées. J’ai été particulièrement sensible à ses « ailes ». Bouelle est fasciné par la beauté des oiseaux et il trouve dans le dessin de l’aile déployée d’un oiseau un parfait exemple de beauté. Il me fit remarquer, j’avoue ma crasse ignorance, que chaque plume a une place définie et une fonction particulière et que formes et couleurs sont toutes différentes. Bouelle semble reproduire une aile d’une espèce d’oiseau et pour représenter chaque plume notre homme est allé dans des boutiques de marchands de chaussures afin de photographier des milliers de chaussures ayant des formes et des couleurs différentes. Les photographies mises au format sont découpées et deviennent autant de plumes d’oiseaux. Les centaines d’images de souliers collées sur un support forment une aile.

Les ailes de Bouelle sont tout d’abord belles, magnifiques serait le mot juste, et surtout elles sont troublantes. En effet, de loin, le spectateur voit des ailes et donc des plumes. En se rapprochant des collages, ils découvrent des collections de chaussures. Elles semblent semblables ; elles sont toutes différentes.

Un superbe jeu des apparences, un travail de bénédictin qui sait se faire oublier. Des ailes qui illustrent par l’exemple que toute la beauté du monde est dans l’aile d’un oiseau. Beauté seulement révélé par l’œil de l’artiste. Bouelle nous aide à contempler la beauté du monde.

 

I.K.TWE

I.K.TWE

Lask

Lask

MTO

Bouelle

Bouelle

Bouelle

Bouelle

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Bouelle

Bouelle devant une de ses ailes.

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