«Trouble»: la haine rôde encore

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Par | Journaliste |
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Un livre nécessaire

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Lecture 4 min.

Nous patrouillons à Anvers en 1940, avec un jeune policier, très jeune : 22 ans.  Wilfried Wils se pense aussi poète et il tombe amoureux d’Yvette dont le frère, Lode, est un résistant tout en étant, lui-aussi, policier. La Belgique est occupée. La violence nazie se répand dans toutes les sphères de l’administration et de la population.

L’écrivain Jeroen Olyslager nous ouvre petit à petit les sentiments les plus troubles des humains, quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu. Le mépris qui se mue en haine raciale, la peur de perdre le peu que l’on a, une peur qui paralyse hommes et femmes devant les dérives les plus graves que peuvent commettre les humains. Une peur que certains masquent par des justifications intellectuellement douteuses et qui collaborent sans aucune hésitation avec un occupant pourtant méprisant. L’appétit du pouvoir est le plus fort, le besoin de sécurité encore plus. Tout est trouble dans ces sentiments. Le jeune Wilfried est en pleine confusion, il se laisse porter par la vague mauvaise, il abandonne son libre-arbitre et tente de se réfugier dans l’imaginaire poétique alors que des résistants, des Juifs sont arrêtés, torturés, massacrés et qu’il le sait, et qu’il collabore tout en aidant, un peu, un résistant qui cache un Juif.

« Trouble » est un livre nécessaire, surtout aujourd’hui. L’auteur y pose la question de l’héritage de ces collaborateurs, du regard que posent sur eux leurs descendants. L’histoire n’est pas oubliée. Elle vit dans les mémoires et fait souffrir des jeunes, héritiers malgré eux des crimes de leurs aînés.

Cela nous amène à examiner l’actualité. D’autres jeunes, comme ceux regroupés sous la bannière fasciste « Schild en Vrienden », lancent des messages, troubles eux-aussi, dans les esprits craintifs de Flamands bien nantis et bien-pensants. Ils utilisent les réseaux sociaux pour diffuser leurs messages racistes, donc de haine de l’autre, suscitant un engouement parmi les esprits les plus faibles et les plus craintifs. Le succès électoral du Vlaams Belang en est la conséquence. Et l’on peut craindre que l’impunité de ce discours de haine, sa banalisation par les réseaux sociaux, ne produisent des actes aussi sanglants que l’assassinat en Allemagne de Walter Lübcke, homme politique membre de la CDU. « Il était dans la ligne de mire des « haters » depuis quelque temps en raison de ses interventions dans les débats sur l’immigration. », explique Ignaas Devisch qui enseigne la philosophie médicale et l’éthique à l’Université de Gand.  Nous ne pouvons pas tolérer cette « insoutenable multiplication des haines », dit-il, Or, les mouvements néo-fascistes et même néo-nazis sont de plus en plus puissants en Allemagne. Les discours de haine incitent des êtres déséquilibrés mais puissamment armés à commettre des massacres comme celui de Christchurch en Nouvelle Zélande où 49 musulmans en prière dans la mosquée ont trouvé la mort. Le tueur avait préparé un manifeste farci de termes réactionnaires typiques de la culture suprématiste blanche sur Internet. Il cite les « 14 mots » du slogan de David Lane, écrivain, militant nationaliste et suprématiste blanc : « Nous devons assurer l’existence de notre peuple et un avenir pour les enfants blancs. » Ce slogan est repris par le White Power depuis les années 80, nous explique Brendan O’Connor dans The Nation.

 Il se retrouve dans la propagande des extrémistes du Vlaams Belang…

Réfléchissons, avec Jean-Jacques Amy, sur la nécessité de réagir en ne permettant pas que les discours de haine se banalisent. L’incitation à la haine est l’antithèse de la liberté d’expression, écrit-il. (G.L.)

  • Jeroen Olyslagers. « Trouble ». Ed. Stock, coll. La cosmopolite. 2019.
  • Jean-Jacques Amy. « La bête rôde encore », « Essai sur l’incitation à la haine ». Ed. Espace de Libertés. Centre d’Action laïque. 2017.

https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/linsoutenable-multiplication-des-haines/

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