Et si on en profitait pour remettre l'État en état?

Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
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En mai, fais ce qui te plaît et c’est ce que font les partis politiques, ils partent en campagne et les syndicats suivent, eux, ils ont des élections sociales à l’horizon. Les partis n’attendent plus septembre, la solidarité autour du super gouvernement solidaire de crise est remise en question. Chassez le naturel, il revient au galop. Et nous regardons. Et un jour, nous revoterons. Et ils cliveront encore les bons et les méchants. Et ils nous feront des compromis et partageront encore un peu plus les compétences pour que chacun d’eux ait son bout de gras, son mot à dire.

Citoyen ou acteur politique,le confinement nous donne l’occasion de prendre du recul et de nous poser les vraies questions. Dans quel état voulons-nous vivre ? Quels pouvoirs laisse-t-on aux partis ? Quelle place laisser à la main invisible du marché ? Comment mieux se comprendre et collaborer ? Comment s’exprimer en tant que citoyen ? Mais ces questions ne se posent que peu ou prou, les partis et les médias sont déjà occupés à compter les points entre le nord et le sud, les bleus, les rouges, les verts, les jaunes, les noirs et les oranges. Quelle palette ! Mais quelle dérision !

La crise que nous vivons a un mérite pour tous les citoyens : elle met en évidence les dysfonctions de notre société et ses failles. La peur nous cache un peu les voies les plus idéales et la part d’ombre qui subsiste autour de cette pandémie tempère nos audaces. Et si nous osions, malgré tout. Et si vous osiez consulter le peuple, Madame Wilmes ? Et si un Media national osait sonder le peuple si vous n’en avez pas les moyens ou l’audace ?

Oh!, je ne pense pas à un bête referendum. Non, je pense à de vraies questions que la crise actuelle contextualise. Il ne s’agit pas de poser des questions comme les Anglais l’ont fait pour le Brexit : leave or stay. Non il s’agit de regarder en face ce qui va mal et que la crise actuelle met dramatiquement en évidence.

Pourquoi avons-nous besoin de 6 ministres des masques ? Pourquoi nous faut-il 8 ministres de la Santé ? Pourquoi y a-t-il plus de 13 ministres ou autorités pour s’occuper des handicapés ? Combien sont en charge du sport ? On pourrait les accepter tous, chaque région, chaque communauté doit avoir le sien. Hélas, en cas de crise, on voit que ça ne marche pas. Et sans la crise, ça ne marche pas mieux. Comment dégager une vision quand on est 6 , 8 ou 13 à avoir voix au chapitre et à pouvoir dire qu’on est meilleur que les 5, 7 ou 12 autres ? C’est ridicule ! C’est de la mauvaise gouvernance, pour moi. Pourquoi ne pas demander au peuple ce qu’il en pense ?

Et tant qu’on y est, demandons-lui aussi ce qu’il pense du démembrement de notre état auquel tous les grands partis ont participé pour multiplier les bassins électoraux. Demandons au citoyen, s’il trouve normal que les grandes régions françaises ne puissent élire que quelqu’un de leur région comme candidat à la présidence du pays. Les Corses ne pourraient voter que pour des Corses et les Chtis pour des Chtis. Ridicule. C’est pourtant ce qui se passe chez nous. Qui croit encore dans ce pays que la langue mérite les divisions et dysfonctions qui ont été créées par la régionalisation. Osons poser la question. Il y a quinze ans, je faisais des études de marché et les habitudes de consommation des citoyens de Liège étaient les plus proches des citoyens d’Anvers tandis que celles des citoyens de Gand étaient plus proches de celles de Namur. Bien sûr, je parle de consommation, mais au sens large, la consommation c’est le tissu social, ce sont les façons de manger, de sortir, de se divertir, de s’instruire... Qui nous empêche de poser la question en la contextualisant dans le vécu des gens, en les sortant des réflexions de cabinets ?

Puisqu’on en parle, posons aussi la question des partis et des cabinets que ceux-ci mettent en tampons entre les administrations et les ministres au pouvoir. Où est la compétence ? Au cabinet ou dans l’administration ? Tous les aléas de l’enseignement et région francophone le prouvent, ce n’est pas au cabinet. Et les mesures prises pour la rentrée le montent également. Le cabinet filtre ce qui sera nécessaire pour aller à la table des négociations de compromis et savoir y marquer des points. Parce qu’à cette table il s’agit au bout du compte de gagner conte l’autre et on finit souvent pas oublier l’intérêt général et le citoyen. Une négociation, c’est un combat. Le citoyen l’a vu et le sait. Quand le CNS prend des décisions, il les négocie. Le supergouvernement de crise de Madame Wilmes n’est qu’une grande table de négociation, il faut trois heures de préparatifs pour savoir ce qu’on va dire et comment on va le dire et puis se dédire. Les vieux dans les maisons de repos qui attendaient une visite s’en souviennent. Les journalistes dans la salle de presse aussi.
Ce qui s’est passé et se passe encore au niveau de la santé le prouve aussi. On n’a pas plus de considération pour les administrations que pour les gens sur le terrain. Je force sans doute le trait, diront certains, soit, mais je ne le pense pas. En tout cas, cette façon de diriger le pays écarte l’élu au pouvoir du citoyen sur le terrain et de la vraie nature des problèmes.

Tous ces exemples sont prégnants pour tous. Ils forment le contexte de nos vies. Alors bien sûr, on peut courber le dos et attendre que ça passe. Ne vaut-il pas mieux considérer que cette crise reprogramme malgré tout nos imaginations ? Un virus dénué de vie et de sens pourrait nous amener, me semble-t-il, à considérer que l’impossible est pensable. Nous pourrions réfléchir au sens de notre place, élu ou citoyen, dans notre société et dans l’histoire. Pourquoi ne pas le faire ensemble.

Puisque les idéologies semblent avoir pris du plomb dans l’aile, ne faut-il pas créer un sol nourricier pour de nouvelles idées. Alors si on consulte, pourquoi ne pas proposer des scénarios, des options en listant clairement les avantages et les inconvénients. Par exemple les avantages et inconvénients de séparer l’église de l’état, l’importance de la laïcité. Quelle régression ne subissent pas les droits des femmes au nom de la crise et du confinement ? Vous trouvez ça normal ?

Pourquoi, tant qu’on y est, ne pas « laïciser » plus loin et oser proposer le scénario d’une séparation de l’économie et de l’État. L’État n’arrive pas à commander des masques et le marché y parvient en un tour de main. Je ne parlerai pas des tests. Ce qui relève de la vie de chaque citoyen et de la justice ne doit-il pas rester aux mains de l’état, à tout prix ? Les soins de santé, la recherche pure, l’enseignement et l’environnement font partie de cette écologie de la vie qui mérite de ne pas être laissée aux soins de la seule main invisible.

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Enfin, tant qu’à remettre l’état en état, il faudra aussi réfléchir au rôle de la communication dans notre société.
Elle est partout. Le score électoral, les cours de bourse, la valeur des entreprises ou services publics, le respect individuel, les amis sur les réseaux, l’enseignement, les soins de santé tout est affaire de communication, tout est communication. Et quand tout est communication, cela signifie que tout est égal à tout. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de voir un patron d’Hôtel élu à la présidence des États-Unis ; il ne faut pas se choquer de voir pulluler le nombre d’experts sur le web ; il faut accepter qu’une conférence de presse ne soit plus réservée à la presse, mais retransmise en direct au grand public ; il faut réaliser qu’il y a de moins en moins de place dans ce monde pour le langage des affaires, le langage diplomatique, le langage académique, le langage politique, le langage des experts, justement. L’absence d’intermédiaires, la transparence absolue, l’immédiateté ont créé une grande tour de Babel où on ne sait plus trop comment prendre langue.

Alors chers élus, n’est-ce pas le rendez-vous que vous donne l’histoire de ce pays divisé par ses langues : savoir reprendre langue commune et aller écouter ce que la population a à vous dire sans vous le dicter ?

Moi j’y crois. Et vous ?

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