Vers la fin de l'homme libre ?

House of Freedom signale l’évolution de nos libertés et de la démocratie dans le monde. En 2005 près de 47% des habitants de la planète vivaient en démocratie. Aujourd’hui, nous sommes passés à 20%. Inquiétant, ce constat d'un monde qui n’a jamais été majoritairement libre et où l'espace démocratique se réduit de plus de 10% par an.

Pendant ce temps-là, en terre d’Islam, un micro pays résiste à la tendance. Israël dont les citoyens manifestaient massivement en faveur d’un état laïque contre leur gouvernement démocratique qui menaçait de rendre au pouvoir religieux celui de contrôler la cour constitutionnelle. Et c’est juste après cette manifestation que le Hamas décide de lancer son progrom du 7 octobre 2023 qui a choqué le monde entier, mais pas longtemps.

En Israël, la démocratie n’est pas en crise. Pas plus qu'ailleurs. Elle n’est pas parfaite puisque le jeu des coalitions a permis la composition d'un gouvernement d’extrême droite comme il va le permettre peut-être chez nous, en France et aux USA après la Hollande. Et dans ce petit coin du monde se confrontent dans une guerre atroce, deux tyrans aux visions messianiques et destructrices sans considération pour leurs peuples respectifs. Un peuple qui, en Israël, manifestait encore et toujours son goût de la démocratie et de la liberté en gardant en chacun d’eux les traces de la shoah et le rêve du « plus jamais ça » !

Tout cela se passe près de chez nous. « L’Europe est plus qu’un bout d’Occident né en 1945, coincé entre le marteau américain et l’enclume des “valeurs” ! C’est un ancrage historique et géographique, climatique et spirituel, politique et culturel singulier, marqué par ses nations. » (1) Et c’est à la lumière des nationalismes européen du 19ème qu’est née l’idée du sionisme et le développement de l’hébreu pour le peuple juif. Tous les pays ont soutenu la création de cet État. Seuls les arabes ont refusé.

L’occident et son colonialisme étaient rejetés par les Arabes. Israël en a fait les frais. Universalistes les européens ? Opportunistes avant tout mais pétris de cet horrible sentiment de culpabilité à l’égard de la shoah. Les juifs ont un état, la culpabilité a changé de camp. C'était en 48. Aujourd'hui, l’européen ne se bat plus pour des idées et des valeurs.

Qui se soucie de la liberté, de la démocratie, de la laïcité aujourd'hui ? Qui se soucie de voir que dans une des régions du monde les moins démocratiques et laïques, un micro-pays se bat pour rester un pays d’hommes libres qui pour une fois a souhaité une nation et des frontières pour être sûrs qu’une loi de « dieu sait qui » ne viendrait pas décider à nouveau leur extermination. Un petit territoire qui résiste à l'envahissement frèriste.

Le juif est un être libre marqué par l’histoire. Nous le sommes tous, mais nous oublions l’histoire dans ce cas-ci. Elle ne commence ni en 48 ni en 67 comme on essaie de le faire croire. Ce sont les nationalismes et les bâtisseurs de murs qui ont érodé le droit à la liberté des juifs depuis des millénaires. Il en va de même pour nous. Les valeurs des lumières, le lent processus historique qui de révolution en révolution a apporté la démocratie sont contestés. Est-elle encore valorisée, cette démocratie ? Non, les succès des partis extrêmes en témoignent.

On peut regretter des guerres, on peut regretter les colonies (et encore) mais doit-on renoncer à nos valeurs ? Ne vaudrait-il pas mieux les revisiter pour mieux les affirmer aux Russes, aux Chinois, aux Arabes, aux Africains, aux Latino-Américains et aux Indiens ? Avec un électorat qui dorénavant exerce la justice sur les réseaux sociaux, ça ne va pas être facile. Ce n’en est pas moins nécessaire. Les chiffres cités sont éloquents. Au lieu de respecter la complexité de la démocratie et des processus historiques qui l’ont généré, au lieu d’admettre que la liberté nécessite de l’ardeur, de la résistance, de la créativité et un esprit combatif, ce sont les complexes qui l’emportent.

L’homme libre se fait complexé face à un monde sans complexe qui pourfend les valeurs occidentales. Au lieu de polir nos pierres pour construire ce monde meilleur on démonte les barricades de nos idées pour se laisser jeter la pierre. Et là encore, la crise en Israël en est la métaphore. Ce sont les valeurs islamistes et frèristes qui emportent même l’adhésion de notre propre gouvernement qui ne sait pas dissocier l’action d’un gouvernement d’extrême droite de l’histoire du judaïsme en terre d’Islam. Le choix de l'électeur et de l'homme libre doit-il se réduire entre la peste et le choléra?

Patrick

(1) Gastineau Max-Erwann, l’ère de l’affirmation, éditions du cerf, Paris, 2023