Le rêve américain est mort ! Un nouveau rêve est appelé à régner ?
Humeurs d'un alterpubliciste par Patrick Willemarck, le 13 novembre 2016

©Beaudet
Et si Trump l’avait tué ?
Paradoxalement, c'est sans doute celui qui incarne le mieux le rêve américain qui en devenant président nous annonce la mort de cette Amérique. La mort de cet idéal, de ce chemin qui promet que le progrès amènera la prospérité et que la prospérité apportera la paix et le bonheur pour tous. Il y avait des signes avant-coureurs d'une sérieuse érosion de cet idéal. La croissance dans les pays développés a atteint un point d’inflexion il y a des dizaines d’années. Elle n’a cessé de ralentir lors de la seconde moitié du XXe siècle.
Et si nous étions complices, nous les électeurs ?
Avouons que nous ne nous préoccupons pas plus de cette inflexion que d'une dépression anticyclonique. Nous attendons sagement que les orages passent en continuant à regarder la météo et l'horoscope. Pourquoi ? Parce que les conseils d’ administration, les gouvernements, les dirigeants, les actionnaires et même nous, les citoyens, sommes drillés à gérer le quotidien, la carrière, le temps, le cholestérol, le stress, etc. Nous sommes tous devenus des gestionnaires. Le court terme rythme nos vies : vaincre les crises, les baisses, les pertes, les chutes...Vaincre et relancer. Vivre est devenu un état au lieu d’un sujet de réflexion. Nos conditions de vie et notre confort entretiennent notre passivité. Nous nous contentons de suivre l’actualité sur le média de notre choix, de râler quand les choses vont mal et d’ oublier ensuite.
L’économie du bluff nous satisfait, nous et nos élus.
Nous avons tous pris l’ habitude de vivre dans un monde où l’ économie sous-évalue les coûts et surévalue les bénéfices. Le traitement du cancer ou de l’ obésité n'est pas pris en compte dans le prix de vente des hamburgers ou des cigarettes. Les coûts sont donc bel et bien sous-estimés. Les industries chimiques et pétrolières font de même. Les cinquante entreprises les plus polluantes incluent les plus grosses sociétés pétrolières et énergétiques...le coût de leur pollution n’ est pas répercuté sur nos factures. Combien de produits ou de marques ou de récentes inventions participent vraiment à l’amélioration du quotidien des gens ?« Le capitalisme se fonde sur l‘ équation de la destruction créative. La pierre angulaire du capitalisme que nous connaissons sous-évalue de manière chronique et systématique les coûts de destruction et surévalue les bénéfices de la création. Sous-estimer la destruction et surévaluer la création conduit à un surplus de destruction et un déficit de création », écrit Umair Haque ( The new capitalist manifesto. Boston, Harvard Business School Press, 2011). Les discours de Trump surévaluent de manière aussi chronique les promesses et propos sans aucune considération pour les coûts. Dans un lycée du Minnesota, quelques jours après l'élection, les portes des toilettes ont été recouvertes de graffitis avec les mots "réservé aux blancs" et le slogan de Trump "Make America Great again". De quel ordre de grandeur parle-t-il ? Comment va-t-il rattraper le coup ?
Et qu’annonce le joueur de Monopoly arrivé à la présidence des USA ?
Il promet 4.400 milliards d’impôts en moins sur 10 ans et 1000 milliards d’investissements en plus. Vous sentez la surévaluation ? Il va les trouver où ? On ne sait pas ? Ce qu’on sait c’est qu’il va renégocier les accords climats, favoriser l’exploitation du gaz de schiste, etc. Bref, l’homme va créer des illusions par la destruction massive de tout espoir de renouveau. C’est sa révision du capitalisme, la disruption créative par l’illusion et le mensonge. Heureusement qu’il n’a pas les pleins pouvoirs et que le congrès fera de la résistance. Quoique... ce congrès est majoritairement composé de républicains qui ont soutenu sa candidature. Le risque est là et bien là.
La fin du rêve.
Certes, le progrès ne tenait plus ses promesses économiques. Mais l'idéal restait vivace. Ils ont élu un président noir tout de même. Hélas, depuis le 9/11, c'est fini, le deuil de l'idéal américain doit définitivement commencer. Les analystes financiers et les bourses croient en Trump, me dit-on. Et s’ils étaient comme tous ceux qui ont cru aux sondages. La ligne qui sépare les riches des pauvres est devenue un gouffre dans le monde entier et les USA n'y échappent pas. Mais aux USA, il y a un entrepreneur qui va construire des murs pour en protéger les riches. Voilà ce qu'annonce le 9/11. La mort d'un idéal comme sont morts tant de soldats sur nos plages alors qu'ils en étaient animés.
Il faut se réveiller, le rêve américain est mort.
Mais il y a pire.
Je parie que le septuagénaire roi du Monopoly avec six faillites à son actif va plus que certainement soutenir un nouveau rêve américain, celui de l’Université de la Singularité où se développe non pas le surhomme, mais le post-homme. Oui, cette construction hybride personne-machine qui fait de nous plus que des humains. Il n'y a pas qu'un rêve qui meurt. Il y a un nouveau rêve émergent qui met l'humanisme en danger. Ils vont vendre des applications comme celles de nos smartphones, mais celles-ci seront pour nous, prêtes à l’incarnation ou la trépanation. Vous pourrez choisir parmi celles qui permettent de vieillir moins, de devenir plus performant, plus beau, plus intelligent, plus musclé, plus membré, plus hétéro, plus viril, moins homo, moins noir ou que sais-je. Tout sera sur l'App Store qui sera américain et pour les riches évidemment. Heureusement, cela se passera derrière leur mur, isolés du monde, comme l'était numéro 6 dans la série Le prisonnier. Que dire ? Bonne chance ou bonne merde ?
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