L'avortement, un crime que les femmes sont libres de commettre ?

Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
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Les droits des femmes étaient célébrés, hier, alors qu’en Belgique, l’avortement est toujours inscrit dans le Code pénal comme « crime contre l’ordre des familles et la morale publique ». Maladroitement certains essaient de distinguer l’Interruption Volontaire de Grossesse et l’Avortement. C’est l’erreur commise, malgré lui, sans doute, par le Sérénissime Grand Maître du Grand Orient de Belgique, interrogé dans les colonnes de la Libre Belgique le 10 février quand il dit que « l’avortement est un crime et doit rester dans le code pénal. Mais la liberté d’une femme d’accéder ou de refuser la maternité, doit être un choix volontaire. » Elle est libre de commettre un crime, en quelque sorte. Cette distinction entre l'Avortement et l'IVG est juridiquement incorrecte, en ce qu’elle refuse la qualification d’« avortement » à l’interruption volontaire de grossesse or ce terme est utilisé aux articles 350 et 351 du Code pénal pour désigner l’IVG, justement.

Il est donc opportun de rappeler que le droit des femmes à disposer de leur corps doit être consacré par une loi de santé publique. Il faut cesser de prétendre que l’IVG est une faute dont la femme seule doit porter le poids de la culpabilité, comme le répète à l’envi le Vatican. Enfin, il faut espérer que la Belgique, qui se distingue par ses lois progressistes en matière d’égalité, participe à cette évolution démocratique comme la France, qui a érigé l’IVG comme un droit et le Luxembourg, qui l’a sorti du Code pénal.

L’Église mène une bataille rangée contre cette vision suite aux conclusions du synode des évêques consacré à la famille, en 2015. Pour rappel, ce synode précisait dans ses conclusions qu’il est « urgent que les chrétiens engagés en politique encouragent des choix législatifs appropriés et responsables en matière de promotion et de défense de la vie. Tout comme la voix de l’Église se fait entendre au niveau sociopolitique sur ces thèmes, de même il est nécessaire que se multiplient les efforts pour entrer en concertation avec les organismes internationaux et dans les instances décisionnelles politiques, afin de promouvoir le respect de la vie humaine de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, avec une attention particulière aux familles ayant des enfants porteurs de handicaps. »

Nous serions naïfs de croire que ce n’est qu’une déclaration alors que les faits démontrent que ce sont des mots d’ordre, comme me le rappelait un membre éminent du Centre d’Action Laïque :

  • « le 3 février 2016, en Commission de révision de la Constitution et de la réforme des institutions de la Chambre des représentants, Monsieur Servais Verstraeten, chef de groupe du CD&V dans cette assemblée, suggère que, parmi les valeurs que le Constituant pourrait inscrire dans la charte fondamentale de notre pays, on retienne aussi le … droit à la vie.
  • dans une interview donnée au Figaro, le 4 février 2016, Monsieur Vanackere, chef de groupe du CD&V au Sénat, demande « d’évaluer les dérives de notre législation sur l’euthanasie » et les « interprétations trop laxistes et trop libérales de cette loi. »
  • la Commission de la Justice de la Chambre de représentants a eu pendant plus d’un an à son agenda (avant que le Gouvernement en reprenne le dossier) une proposition d’une parlementaire CD&V relative à la possibilité de délivrer un acte de naissance à un fœtus.
  • le 26 décembre 2015, dans le « Belang van Limburg », le nouvel archevêque, Joseph de Kesel, interrogé sur l’euthanasie et l’avortement affirme sans ambages : « Je peux comprendre que quelqu’un qui a un mode de vie laïque n’éprouve pas de problème à ce sujet. Mais, du point de vue de ma foi, ce n’est pas évident. Je pense que j’ai le droit de dire cela, et davantage encore : je trouve qu’au niveau institutionnel nous avons aussi le droit de décider que nous n’allons pas pratiquer l’euthanasie et l’avortement. Je pense notamment aux hôpitaux catholiques. On n’est pas libre de choisir lorsqu’il n’y a qu’une option de choix ».
  • L’accord de gouvernement au niveau fédéral a prévu d’accompagner la douleur des parents qui ont le malheur de voir une grossesse échouer. Pour le ministre de la Justice, cela se traduit par la volonté de donner un simili acte de naissance à un fœtus. Faire coexister dans notre droit positif la possibilité d’une IVG jusqu’à 12 semaines et délivrer un acte constitutif de la personnalité juridique à un fœtus est pour le moins compliqué. L’attaque contre l’IVG est claire. »

Bref, nous sommes bien face à des injonctions militantes contre l’avortement et le droit des femmes à disposer de leur corps. On peut évidemment se dire qu’il n’y a rien à faire. On peut s’abandonner au silence des pantoufles. Mais on peut aussi se souvenir que nous avons des droits humains inaliénables et un bulletin de vote.

A chacun de choisir.

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Patrick

 

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