semaine 48

Gaza : le droit sauvera-t-il l’humanité?

Zooms curieux par Gabrielle Lefèvre, le 10 novembre 2023

Photo prise par un des avocats présents à La Haye devant le siège de la Cour Pénale Internationale.

Me Gilles Devers, au centre, avec à ses côtés Pierre Galand pour la société civile et deux avocats porteurs de la plainte à la CPI. Photo Fabio Salva.

La dite « communauté internationale », à savoir les pays riches occidentaux, a montré une extraordinaire complaisance face aux massacres perpétrés depuis 35 jours quotidiennement par l’armée isralienne sur 2,2 millions de civils emprisonnés dans Gaza. On dénombre plus de 10.500 morts dont la majorité sont des femmes et des enfants.

Des êtres humains et non pas des « animaux humains » ainsi que le déclarait un des membres du gouvernement Netanyahou, le plus extrémiste et le plus criminel qu’ait connu l’État d’Israël. Des hommes jeunes et vieux, des femmes elles aussi de tous âges, des enfants, des nouveaux-nés, des nourrissons privés d’eau, d’électricité, de médicaments, de soins puisque les hôpitaux sont eux aussi bombardés. Privés de nourriture et des objets essentiels puisque les points d’accès à Gaza ne sont ouverts qu’au compte-goutte et sous la pression internationale. De plus, l’assistance internationale - qui constitue la ressource principale car Gaza est sous blocus depuis seize ans - est bloquée et nombre d’employés des agences des Nations Unies sont, eux-aussi, morts sous les bombes.

Israël, puissance occupante, a manifesté sa ferme intention d’éradiquer le Hamas, ce parti politique islamiste qui avait été élu démocratiquement par la population gazaouie au détriment de l’Autorité palestinienne discréditée par l’occupant lui-même. Avec des fonds quataris autorisés par Israël, en plus de ceux des Nations Unies, le Hamas gouverne cette enclave, à savoir organise les ministères, les administrations diverses nécessaires à la survie d’une population de 2,7 millions d’habitants. Le parti comporte une branche armée, des combattants qui tentent sans cesse de briser ce blocus, de faire libérer les milliers de Palestiniens de Cisjordanie, persécutés et emprisonnés par les colons et l’armée israélienne. La dernière offensive, le 7 octobre, a profondément déstabilisé l’armée et terrorisé la population israélienne. Cette offensive s’est accompagnée de la mort de nombreux soldats, du massacre de civils israéliens et d’une prise d’otages violente. Le gouvernement israélien déjà déstabilisé par une contestation intérieure a donc choisi la formule la plus radicale : écraser Gaza pour éradiquer le Hamas. Et ce avec le soutien explicite du président des Etats-Unis, de la présidente de la Commission européenne et de la plupart des pays européens. Certains, comme la Belgique, se sont cependant distanciés de ces prises de position incompatibles avec le respect du droit international. De plus, la Belgique a décidé d’apporter une aide supplémentaire de 5 millions d’euros à la Cour Pénale Internationale afin qu’elle puisse faire son travail d’enquête.

Une plainte à la Cour Pénale Internationale

La liste des crimes de guerre, crimes contre l’humanité commis par Israël est très – trop – longue et la passivité de nos gouvernements occidentaux devant ces crimes est dénoncée depuis longtemps par les défenseurs des droits humains.

Parmi ceux-ci, 300 avocats et 115 associations ont déposé une plainte à la Cour Pénale Internationale sise à La Haye, ce jeudi 9 novembre 2023. La plainte a été déposée par l’avocat français Me Gilles Devers, au bureau des victimes de la CPI . Il était accompagné de trois autres avocats: Isa Gultaslar, de l'ordre du Barreau de Bruxelles; Khaled Al-Shouli, du Collège d'Amman et Abdelmajid Mrari du collège de Tsage. Voir interview ici:

https://www.youtube.com/watch?v=KkB_ffCYfyI

« Ce qui est en jeu, ce sont les mandats d'arrêt contre les responsables de ces crimes", a expliqué Me Devers à la presse. En ce qui concerne l'Ukraine, la CPI n'a pas hésité à agir rapidement contre Vladimir Poutine, sujet d'un mandat d'arrêt depuis mars de cette année. Pourquoi se comporterait-elle différemment en ce qui concerne la Palestine? », interroge-t-il .Car, dans le cas de Gaza, on peut parler de génocide. « Le génocide est, selon l'une de ses définitions, l'assujettissement et le déni des gens, en les plaçant dans une situation de destruction totale, explique Me Devers. C'est ce qui se passe à Gaza avec le bombardement d'hôpitaux et d'écoles, le déplacement forcé de la population, la réduction des fournitures de base, etc.» précise-t-il.

Me Devers a aussi l'intention de déposer une plainte pour laquelle il a déjà une douzaine de mandats pour les victimes civiles des attaques israéliennes à Gaza. L’avocat et son cabinet disposent en effet de preuves très concrètes des "exactions" commises dans la bande de Gaza. N’oublions pas que chaque Etat, pour autant qu’il dispose d’une loi sur la compétence universelle, peut agir dans le même sens que la CPI. Ce qui serait plus rapide que les longues procédures internationales.

L’avocat français souligne que l’enquête que devra mener le Bureau du Procureur de la CPI ne sera pas compliquée puisque nombre de travailleurs d’organismes des Nations Unies et d’ONG sont sur place et témoignent sans cesse des drames dont ils sont témoins. De plus, les déclarations du Premier ministre israélien lui-même ainsi que celles de son ministre de la Défense Yoav Gallant sont claires : ils déclarent vouloir exterminer le Hamas et qualifient les Palestiniens de Gaza d’« animaux humains ».

Rappelons que le 29 octobre, le Procureur de la CPI, le britannique Karim Khan, s'est rendu à Rafah, le poste frontière entre Gaza et l'Égypte ; il y a constaté les fermetures et les obstacles mis par les Israéliens au passage des camions de l’aide humanitaire. Or, souligne Karim Khan, faire obstacle à l'aide humanitaire peut constituer un crime ; les écoles, les hôpitaux et les mosquées sont des lieux qui devraient être intouchables. Se référant au Hamas, il a ajouté : "La prise d'otages est une violation grave des Conventions de Genève."

Dans Politico, l’ancienne procureure Carla Del Ponte pour les tribunaux internationaux sur l’ex-Yougoslavie et sur le Rwanda a soutenu la démarche de Karim Khan et la nécessité de placer le droit international au-dessus des super-puissances qui croient pouvoir être au-dessus des lois.

Et la société civile

La plainte déposée jeudi à la CPI est aussi signée par 115 organisations non gouvernementales d’Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud et du Proche-Orient. C’est à ce titre que, à côté de Me Devers, se trouvait Pierre Galand, ancien président du CNCD, ancien sénateur belge, pacifiste et activiste pour les droits humains puisqu’il était l’initiateur et le coordinateur du Tribunal Russell sur la Palestine. Lors de la conférence de presse à La Haye, il souligna l’importance de la mobilisation de la société civile qui, dans le monde entier et y compris aux Etats-Unis, manifeste en masse pour les droits du peuple palestinien et pour sauver Gaza. « Les peuples ont droit à la résistance face à un occupant et la répression. » Il souligne que derrière le droit, il y a la notion de « juste » : « il est juste d’arrêter une guerre », il est juste qu’il y ait des couloirs humanitaires. « En cette année d’anniversaire des 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la légitimité revient aux peuples. »

Et de souligner la déclaration du secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres : « Le cauchemar de Gaza est plus qu'une crise humanitaire. C'est une crise de l'humanité. »

- https://www.politico.eu/article/israel-hamas-atrocities-victims-justice-icc-hague/

- https://www.lalibre.be/international/moyen-orient/2023/11/08/guerre-hamas-israel-la-belgique-prend-des-initiatives-mais-ne-touche-pas-aux-produits-des-territoires-occupes-DK6HSQAMGVFGDCVC2K2DLIPBS4/

 

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